Alors que les marchés se préparent pour le début de la réunion de deux jours de la Réserve fédérale qui débute aujourd'hui mardi, on s'attend depuis longtemps à ce que le principal résultat soit une hausse de 25 points de base pour atteindre une fourchette de 1,75% -2,00%. Avec une probabilité supérieure à 90% pour que cela se produise selon l’outil de suivi des taux de la Fed d’Investing.com, la décision en elle-même n'aura probablement que peu d'impact sur le marché.
Cependant, les traders attendent des éclaircissements sur les perspectives à plus long terme de la politique monétaire. Et un seul changement dans le "dot plot" (la prévision du nombre de hausse de taux à attendre cette année, et après) pourrait déclencher un renouveau de la volatilité et une nervosité accrue du marché.
La décision sur les taux, qui doit être annoncée mercredi à 20h heure française, sera accompagnée non seulement de la déclaration du Federal Open Market Committee (FOMC) mais aussi d’une mise à jour trimestrielle des prévisions économiques des membres de la Fed, suivie d'une conférence de presse avec le président de la Fed, Jerome Powell, qui pourrait fournir des indices supplémentaires sur les perspectives de la banque centrale américaine.
Le nombre de hausses de taux à anticiper en 2018 est l'élément clé
Dans le cadre des projections économiques publiées en mars dernier, le fameux "dot plot" - qui fournit anonymement les prévisions des différentes Fed en matière de taux d'intérêt - a montré que la prévision médiane était de trois hausses en 2018.
Cependant, la hausse de l'inflation, sur fond d'un marché du travail extrêmement serré, ont alimenté les spéculations selon lesquelles la Fed pourrait aller jusqu'à quatre hausses en 2018, y compris l'augmentation déjà intervenue en mars.
Cela a alimenté la turbulence du marché à partir de février, un mois qui s'est achevé avec la première baisse mensuelle pour le S & P 500 (-3,9%) en près d'un an. Cela a également miné les gains du Dow depuis le début de l'année, avec une baisse de 1,5% après que l'indice ait connu son meilleur début d'année depuis 1987.
De plus, les rumeurs à l'égard d'une Fed plus agressive ont commencé à augmenter considérablement. On peut dire que les attentes ont atteint un paroxysme quand Powell a déclaré au Congrès que "certains des vents contraires auxquels l'économie américaine a été confrontée les années précédentes se sont transformés en catalyseurs," citant une politique fiscale stimulante et une demande plus ferme pour les exportations américaines. « Selon nous, d'autres augmentations progressives des taux des fonds fédéraux favoriseront la réalisation de nos deux objectifs », a-t-il ajouté.
La réaction du marché a indiqué que les traders en ont déduit la possibilité de quatre hausses cette année. Les probabilités ont continué à se raffermir alors que les données économiques positives et les lectures de l'inflation ont cimenté l'idée que la Fed pourrait ajouter une hausse de taux supplémentaire aux trois qu'elle avait déjà prévues pour 2018.
En revanche, à la fin du mois de mai, les marchés ont été secoués par les développements politiques en Italie et les craintes d'un éclatement de la zone euro. La menace d'une crise financière qui pourrait secouer l'économie mondiale a diminué les attentes d'une quatrième hausse en décembre.
Le graphique ci-dessus montre clairement les oscillations de la probabilité qe les taux atteingnent 2,25% -2,50% en fin d'année, (soit quatre augmentations en 2018). Au moment de la rédaction de cet article, les probabilités étaient légèrement inférieures à 45%, toujours en dessous du seuil de 50% qui avait été dépassé en début d'année.
Chaque vote de la Fed compte
Les probabilitésd'une quatrième hausse cette année reflètent l'incertitude du marché concernant le degré d'agressivité que la Fed devrait ou pourrait vouloir avoir. L'influent président de la Fed de New York, William Dudley, a tenté d'apaiser les sentiments au début du mois de mars en déclarant: "Si vous deviez miser sur quatre ... hausses de taux, je pense que cela se fera progressivement". Dudley a expliqué qu'une telle mesure serait seulement deux fois moins agressive que les huit hausses par année que la Fed a exécutées la dernière décennie, qu'il a appelée « l'alternative à graduelle ».
Néanmoins, la confusion sur le nombre de hausses est au cœur des conversations entre les membres de la Fed.
Dot plot de mars de la Fed montrant des prévisions individuelles anonymes pour les taux d'intérêt. Source: Réserve fédérale.
Cependant, comme on peut le voir dans le graphique de la dot-plot (ci-dessus), le nombre de membres appelant à trois hausses est égal à celui des membres optant pour quatre. Les deux membres les plus dovish l'emportent simplement sur le seul membre plus hawkish. En d'autres termes, il suffit qu'un membre de la Fed change d'avis pour que la balle change de camp, déplaçant officiellement les perspectives à quatre hausses pour 2018.
Est-ce important?
Bien que les algorythmes de trading pourraient s'affoler, et que les médias financiers produiront sans doute des unes sensationnalistes, ce changement inattendu cela ne constituerait pas un changement de politique fondamental. Bien que chaque vote compte, le changement serait minuscule.
En gardant à l'esprit qu'aucun des décideurs du FOMC ne s'est opposé à une décision de la Fed jusqu'à présent cette année, il semble peu probable qu'un léger changement dans les perspectives médianes provoque un tollé parmi les membres.
Bien qu'il n’existe pas de boule de cristal montrant vers quel côté la Fed penche, rien n'indique un changement. C'est même peut-être l'inverse, puisque au cours du mois de mai, les présidents de la Fed de Dallas, Philadelphie, et Atlanta, ont indiqué qu'ils prévoyaient trois hausses.
De son côté, le président de la Fed de San Francisco, John Williams, qui remplacera Dudley à la tête de la Fed de New York le 17 juin, a déclaré le 4 mai que "la tendance centrale du comité (en mars dernier) était de trois ou quatre hausses durant l’année (...) Je pense toujours que c'est la bonne façon d'y penser étant donné l'amélioration continue de l'économie. "
Cependant, beaucoup de choses ont changé, surtout en ce qui concerne le commerce international. Depuis la hausse des taux du 21 mars, au moins cinq décideurs de la Fed ont souligné les risques baissiers pour l'économie face aux tensions commerciales persistantes entre les États-Unis et, surtout pendant le week-end, le reste du G7. Depuis lors, cette incertitude n’a cessé d’augmenter.
Bien que la Fed ait juge que les marchés sont en bonne posture pour aller de l'avant avec une hausse d'un quart de point mercredi, il semble au final que ce soit un moment peu propice pour n'importe quel décideur politique pour changer son vote.