Les investisseurs étrangers sont à nouveau friands de dette souveraine frappée du sceau du Kremlin. C’est ce que révèlent en effet les chiffres communiqués par le ministère des Finances, faisant état d’un boom de la demande pour les emprunts en devise locale.
Lors de son adjudication de dette souveraine le mois dernier, le trésor russe a pu compter sur l’engouement des investisseurs pour lever 375 milliards de roubles (près de six milliards de dollars). Une émission qui confirmait le succès déjà rencontré quelques semaines plus tôt, lorsque 400 milliards de roubles avaient été placés, un record.
Pour les autorités russes, la raison de ce regain d'intérêt est la suivante : les créanciers potentiels seraient désormais moins inquiets quant aux sanctions américaines à l’égard de Moscou.
Reprochant l’attitude de la Russie à l’égard de la Crimée, Washington a pour rappel instauré toute une batterie de sanctions, essentiellement financières en interdisant par exemple les entreprises russes opérant en Crimée à traiter sur le marché américain.
Vladimir Kolychev, adjoint du ministre des Finances, estime qu’après en avoir fait l’évaluation complète, les investisseurs ont appris à vivre avec les risques et les incertitudes liés aux sanctions.
« Malgré les intentions du Congrès américain de les empêcher d’en acheter, les investisseurs étrangers ont soif de dette russe », s'est-il ainsi félicité dans les colonnes du Financial Times.
Moscou, qui prévoit de lever 1,55 trillion de roubles cette année, soit 40% de plus en comparaison des années précédentes, compte bien surfer sur la vague.
Résilience économique
Moscou peut également compter sur des indicateurs économiques plutôt au vert : la croissance du PIB a atteint en moyenne 1,4% ces trois dernières années. De l’avis du Fonds Monétaire International, cela témoigne d’une bonne résilience de l’activité en dépit des sanctions occidentales et de la volatilité des produits pétroliers.
L’institution présidée par Christine Lagarde, qui loue la politique économique mise en place depuis 2014, sous la forme d'un ciblage de l'inflation, de la flexibilité du taux de change et de la politique budgétaire, table sur un rythme de croissance similaire cette année.
Parmi les facteurs de soutien : les dépenses gigantesques prévues dans le cadre des « grands projets nationaux ». Le gouvernement a annoncé en février son intention de consacrer non moins de 25.700 milliards de roubles (395 milliards de dollars) d’ici à 2024 et ce dans une douzaine de secteurs.
Pour Vladimir Poutine, l’objectif principal de ces grands projets nationaux est de diversifier l'économie par la voie de l'innovation, entre autres.
On notera qu’au niveau des faiblesses structurelles susceptibles d'entraver la croissance, le FMI pointe l’absence persistante de concurrence et de la présence imposante de l’Etat dans l’économie, considéré comme un acteur intrusif dans les activités commerciales.
L’Etat est en effet actionnaire majoritaire, et souvent unique, de quelque 30.000 entreprises dont le FMI recommande d’améliorer la gestion ainsi que la transparence de la comptabilité.
La Russie, un placement sûr ?
Last but not least, s’ils semblent avoir retrouvé les bonnes grâces des investisseurs, les emprunts souverains émis par la fédération de Russie ont également retrouvé celles des agences de notation.
En début d’année, on se souvient que Moody’s avait relevé d’un cran à « Baa3 » la qualité de crédit de la dette russe, dette qu’elle considérait précédemment comme un placement spéculatif.
Avec cette décision, l’agence saluait l’endettement public très faible du pays, ses actifs publics importants ainsi qu’une dette extérieure en diminution constante par rapport aux actifs en devises étrangères.
« Autant de facteurs qui devraient assurer à Moscou un degré important de résilience face aux difficultés structurelles du pays », selon Moody’s.
Investir en rouble avec un rendement de 6,26%
Pour l’investisseur qui souhaiterait diversifier son épargne dans du papier russe, nous n’avons pas trouvé d’obligations se traitant à un cours attractif.
En revanche, il est possible d'acheter des obligations libellées en rouble, devise qui fait bonne figure depuis le début d’année, en marge du regain d’intérêts des investisseurs pour les actifs émergents.
Parmi d’autres, nous avons isolé l'emprunt remboursable en juillet 2023 émis par la Banque mondiale. Sur base d’un cours de 99% du nominal, elle permet de tabler sur un rendement à l'échéance de 6,26%.
L’emprunt n’est pas noté chez Standard & Poor’s, mais il bénéficie d’un « AAA » chez Fitch Ratings, la meilleure note disponible.
Le risque lié à l’émetteur est donc limité au maximum et porté essentiellement sur l'évolution du rouble.
Le rouble soutenu par la Banque centrale
Concernant l’évolution du rouble justement, il signe une hausse de plus de 8% depuis le début d’année contre l’euro et était bien orienté la semaine passée après que la Banque centrale russe ait abaissé son principal taux directeur de 25 points de base à 7,50%, conformément aux attentes et prenant acte de la décélération de l'inflation.
L’institution monétaire a annoncé de possibles nouvelles baisses de taux dans les prochains mois. Il semblerait que la perspective d'une valorisation de la dette russe à la faveur du mouvement de baisse des taux ait soutenu le rouble.
La devise a manifestement également bénéficié du rebond du baril de brut après les attaques contre deux pétroliers dans le golfe d'Oman.