Dans le cadre de son plan de refinancement présenté le 22 octobre dernier, le géant de la distribution Casino Guichard vient de lever 800 millions d’euros sur le marché primaire. Il a utilisé pour ce faire un procédé quelque peu inhabituel.
Pour mener à bien sa levée de dette, le groupe de Saint Etienne a sollicité sa filiale qu’il contrôle à 100% baptisée Quatrim. Le rendement est ressorti à 5,875% à l’émission, pour cet emprunt remboursable dans cinq ans. Il s’agit autrement dit d’une obligation à haut rendement, qui est d’ailleurs assortie d’un rating spéculatif « B » chez Standard & Poor’s.
Il est à noter qu’au sortir de ce placement, les créanciers obligataires existants de Casino ressortent quelque peu affaiblis. Et pour cause, le distributeur a utilisé une technique, qualifiée de rare et d’agressive par le Financial Times, qui consiste à hiérarchiser les créanciers et à favoriser les détenteurs des nouvelles obligations Quatrim, au détriment des précédentes créanciers de Casino.
But de l’opération, séduire les potentiels investisseurs sur le marché primaire et pouvoir in fine, se financer à des rendements moins élevés.
En d’autres termes, les créanciers de Quatrim bénéficieront, en cas de défaut du distributeur, d’une priorité de remboursement davantage élevée.
Etant donné la colère que peut susciter ce type de pratique pour les créanciers qui se voient désormais désavantagés, le Financial Times note que les entreprises ont recours à ce genre de pratique « lorsqu’elles sont dos au mur ».
Covenants liés au dividende
De son côté, le géant de la distribution informe que Quatrim est actionnaire à 100% d'Immobilière Groupe Casino, propriétaire d'environ un milliard d’euros d'actifs immobiliers des enseignes Casino en France. Les obligataires bénéficieront en ce sens de garantie sur les titres IGC, apprend-on.Comme nous l’expliquions dans notre article du 28 octobre annonçant l’opération, ce nouvel emprunt est par ailleurs assorti de certaines clauses (« covenants » en anglais).L’une d’elles définit les contours de la politique de dividende de Casino, qui devra respecter un niveau de ratio de dette brute sur Ebitda prédéfini. Le versement d’un "mega" dividende aux actionnaires semble dès lors exclu, indiquent les analystes de Spread Research, ce qui pourrait mettre un peu plus en difficultés encore la maison mère de Casino, Rallye.Etouffée par le poids de sa dette (près de trois milliards d’euros), Rallye (actionnaire de 52,3% de Casino) a pour mémoire été placée sous la protection du tribunal de commerce de Paris en mai dernier, afin de suspendre ses échéances de dettes et négocier celles-ci avec ses créanciers. Les investisseurs craignaient que le plan de sauvegarde de Rallye ne force Casino à verser des dividendes importants à sa maison-mère. Mais le plan annoncé semble les contredire.
Rachat obligataire
Le produit de l’émission, ajouté au milliard d’euros levé via un prêt syndiqué, permettra à Casino de financer son offre de rachat portant sur ses obligations 2020, 2021 et 2022.
Selon le groupe dirigé par Jean-Charles Naouri, ces opérations viennent renforcer la structure financière de Casino, et permettent au groupe de se concentrer pleinement sur l'atteinte de ses objectifs opérationnels, financiers et stratégiques ainsi que sur la bonne exécution de son plan de cession d'actifs.
Les analystes mitigés
Il est à noter que les analystes ont réservé un accueil mitigé à ces opérations de refinancement. En marge de celles-ci, Spread Research a réitéré sa recommandation positive sur toutes les obligations Casino, excepté celles affichant les plus longues maturités (sous pondérer la 2026 et la perpétuelle), ces dernières étant les plus exposées au risque lié à la procédure de sauvegarde de Rallye.
Standard & Poor’s a quant à elle retiré la « surveillance négative » qui était assortie au rating accordé aux emprunts senior de Casino. Le rating « B », qui reste toutefois sous perspective négative, a été confirmé.
Moody’s a pour sa part dégradé Casino, notamment les obligations seniors non garanties à B3 (contre B1) et l’obligation subordonnée à Caa1 (contre B3) avec une perspective négative.
L’explication ? Un niveau d’endettement qui devrait rester élevé, le fait que Casino ne dégage pas de trésorerie positive malgré sa taille et ses parts de marché et le risque lié à la mise en œuvre du plan de refinancement.