La BCE a injecté environ EUR 1 000 mds de liquidités sur le marché monétaire dans le cadre de ses deux opérations spéciales de refinancement à long terme (LTRO, à 3 ans), menées en décembre 2011 et février 2012. Ces opérations étaient destinées à réduire les coûts de financement du secteur bancaire, de loin la principale source de financement pour le secteur privé dans la zone euro. A cette époque, les marchés financiers étaient très déprimés et environ EUR 230 mds de titres de dette bancaire arrivaient à échéance (premier trimestre 2012), aggravant d’autant les tensions sur le marché. De nombreuses banques n’avaient, de facto, plus accès aux marchés monétaires. Le canal de transmission de la politique monétaire était dès lors entravé et la zone euro risquait de sombrer dans une récession plus grave encore. Comme on pouvait s’y attendre, les principaux établissements soumissionnaires ont été ceux des pays de la périphérie. Plus de la moitié du montant total alloué est allé aux banques italiennes et espagnoles.
Ces mesures n’ont apporté qu’un apaisement momentané. Dès le printemps 2012, les tensions étaient de retour sur les marchés bancaire et souverain, pour atteindre un paroxysme durant l’été. De nombreuses banques ont utilisé les fonds de la BCE non seulement pour couvrir leurs positions mais aussi pour acheter des titres de dette souveraine, renforçant ainsi le cercle vicieux entre risques bancaire et souverain.
Un an plus tard, essentiellement grâce aux autres annonces de la BCE, (OMT), les tensions sur les marchés financiers se sont considérablement réduites. Il n’est pas alors pas étonnant que de nombreuses banques en profitent pour rembourser par anticipation les prêts LTRO. Lors du lancement de ces opérations, la BCE leur avait laissé une telle possibilité, après expiration d’un délai d’un an. La BCE souhaite ainsi atténuer les effets pouvant être autrement engendrés par un retrait massif de liquidités du marché monétaire. A compter de la fin février 2013, les banques pourront rembourser les montants empruntés dans le cadre de la deuxième opération. Selon les chiffres communiqués par la BCE, 278 banques sur 523 avaient remboursé EUR 137 mds au 30 janvier, soit environ 30% des sommes empruntées fin 2011. Les banques des pays du noyau dur (France et Allemagne), qui possèdent un important surplus de liquidité, n’ont pas été les seules à vouloir rembourser leur dette ; celles des pays périphériques en ont fait autant. C’est là un signe incontestable de normalisation des conditions sur les marchés financiers. Toutefois, de nombreuses banques en ont aussi profité pour montrer qu’elles étaient désormais en meilleure santé, de manière à se distinguer de celles qui continuaient à dépendre des liquidités BCE. Quoi qu’il en soit, le secteur bancaire dans son ensemble et les banques des pays périphériques en particulier, peut continuer à compter sur d’autres opérations de refinancement de la BCE en cas de difficulté d’accès au marché monétaire. Ainsi, en décembre 2012, la BCE avait décidé qu’elle continuerait à mener toutes ses opérations de refinancement (l’opération spéciale à 1 mois, les LTRO à 3 mois et le MRO à 1 semaine) à taux fixe et avec allocation intégrale au moins jusqu’à la fin du T2 2013. La BCE ne devrait pas modifier ce dispositif de sitôt. Comme Mario Draghi l’a récemment souligné, il est trop tôt pour parler de « stratégies de sortie ». La demande pourrait augmenter à l’occasion des opérations ordinaires, compensant les montants remboursés au titre des LTRO. De fait, si les conditions se sont améliorées, elles sont loin d’être optimales. Les primes sur CDS du secteur bancaire sont en repli, mais restent bien supérieurs à la moyenne de la zone euro en Espagne, Irlande et Portugal, signe d’une situation assez hétérogène au sein de la zone, reflétant également les conditions de crédit. Fin 2012, le crédit poursuivait sa contraction dans les pays périphériques alors qu’il était en progression, quoique de manière moins soutenue, dans ceux du noyau dur.
Il faut par ailleurs noter que les EU 137 mds de remboursements à la BCE se situent dans le haut de la fourchette des anticipations du marché. Pour autant, cela ne devrait pas modifier sensiblement les conditions sur le marché monétaire. Après remboursement, la liquidité excédentaire (définie comme la liquidité fournie via les opérations d’open market moins les facteurs autonomes et les réserves obligatoires) a reflué, dépassant EUR 440 mds. Le taux Eonia qui se situait au début de la semaine en deçà de 0,1 % pourrait remonter légèrement, de sorte que les conditions monétaires demeureraient inchangées. La zone euro n’a nul besoin d’un resserrement des conditions monétaires.
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