Soutenu par les anticipations d'un relèvement des taux d'intérêt par la Reserve Bank of New Zealand (RBNZ) en 2014, le dollar néo-zélandais (NZD) était une des devises les plus performantes l'année dernière. Tandis que les dollars canadien et australien ont perdu plus de 11 et 17 % de leur valeur contre le dollar américain sur les douze derniers mois, le "kiwi" ne s'est déprécié que d'environ 2 % durant la même période.
Aujourd'hui, le dollar néo-zélandais se trouve dans une situation périlleuse alors qu'il garde sa valeur uniquement grâce aux attentes d'une hausse des taux de la RBNZ cette année. La semaine dernière, la banque centrale a répété son intention de relever son taux directeur, actuellement à 2,50 %, alors que le gouverneur Graeme Wheeler et ses collègues prévoient une accélération de l'inflation dans les mois à venir.
Jusqu'ici, les marchés semblent accepter l'hypothèse d'une hausse des taux en Nouvelle-Zélande comme une certitude. Mais s'ils se trompent, et si les fondamentaux changent radicalement cette année, nous devrions voir un effondrement de la demande qui soutient encore le kiwi. Tel était le cas pour le dollar canadien qui profitait des spéculations d'une hausse des taux de la Banque du Canada en 2011 (on s'est vite rendu compte à quel point c'était peu probable vu la conjoncture économique mondiale à cette époque-là). Et puis nous avons vu le résultat d'une situation où les traders continuaient à acheter le dollar australien pour leurs stratégies de carry trade alors que la Reserve Bank of Australia (RBA) abaissait ses taux d'intérêt.
Toutes choses égales par ailleurs, je vois le dollar néo-zélandais surévalué par rapport à la majorité des devises majeures sur le Forex. En analysant les fondamentaux du kiwi ainsi que les graphiques des prix ces dernières semaines, je suis arrivé à la conclusion que le dollar néo-zélandais devrait perdre au moins 10 % de sa valeur cette année pour rattraper son retard avec ses homologues australien et canadien. Voici les raisons qui me font croire que le kiwi va se déprécier autant :
1. La conjoncture chinoise et le risque systémique
45 % des exportations de la Nouvelle-Zélande sont parties vers la Chine en 2013, grâce notamment à une forte demande des produits laitiers néo-zélandais. Comme la Chine est le partenaire commercial le plus important de la Nouvelle-Zélande, il n'est pas difficile d'arriver à la conclusion qu'une dégradation de la conjoncture chinoise pénalisera énormément l'économie néo-zélandaise. Il est à noter que le gouvernement chinois est en train de durcir la réglementation en vigueur sur le lait pour nourrissons, et les fabricants de lait en poudre devront solliciter une nouvelle autorisation d'ici la fin du mois de mai pour commercialiser leurs produits en Chine.
Depuis la crise financière en 2008, nous avons vu un ralentissement de la croissance en Chine pendant que le gouvernement de Pékin a pris des mesures pour mettre le pays sur une voie plus durable sur le long terme. Pourtant, la possibilité d'un "atterrissage difficile" avec un net ralentissement est toujours un vrai risque pour la Chine non seulement, mais pour le monde entier.
La Chine a un problème avec la dette, surtout sur le marché immobilier. Tout le monde le sait, mais peu s'en inquiète réellement. Et pourtant, l'endettement en Chine représente un vrai risque systémique du fait de l'importance de l'économie chinoise dans le commerce international. En cas de dégradation de la conjoncture chinoise, on parlera sans doute d'une contagion vers les pays industrialisés alors que les économies émergentes sont déjà sous pression.
Comme le graphique ci-dessous le montre, l'ampleur de la construction de nouveaux logements en Chine (une bonne partie des "villes fantômes") ces dernières années a entraîné une forte augmentation des flux de trésorerie liés aux dépenses d'investissement de capital (CAPEX).
Ceci ne veut pas forcément dire qu'il y a une bulle immobilière en Chine, mais cet investissement est alimenté par une augmentation générale de l'endettement dans le pays comme le graphique ci-dessus l'indique. Une bonne partie de cette dette a financé la construction de villes fantômes qui elles toutes seules montrent à quel point il y a probablement une bulle immobilière qui risque d'éclater.
Alors que le gouvernement de Pékin prend des mesures pour limiter la surchauffe économique en Chine—et surtout les risques dans le système bancaire chinois—la croissance du PIB ralentit doucement. Mais dans ce contexte de ralentissement, nous n'avons pas vu d'ajustement similaire au niveau du crédit octroyé au secteur privé. D’où la progression du ratio de la dette privée non-financière sur le PIB (voir le graphique ci-dessous).
Pire encore, nous savons aujourd'hui que beaucoup des liquidités prêtées par les banques chinoises ne sont pas enregistrées dans leurs bilans. Le dit "shadow banking" rend opaque l'estimation des risques dans le système financier chinois, ce qui pourrait éventuellement présenter une situation d'un "cygne noire" si nous découvrons des défauts massifs des entreprises chinoises cachés derrière ces activités. Selon Bank of America / Merrill Lynch, les encours du shadow banking auraient augmenté de 45 % en deux ans et demi car les secteurs jugés trop risqués par le gouvernement (compagnies minières, promoteurs immobiliers et collectivités locales) n'arrivaient plus à accéder au crédit standard à cause du durcissement des réglementations par la Banque populaire de Chine.
En 2013, les encours du "crédit alternatif" auraient donc atteint entre 2 200 et 2500 milliards de dollars US. Je vous laisse imaginer ce qui se passera si nous voyons une banque chinoise faire faillite à la Lehman Brothers....
2. Risques sur les perspectives d'inflation en Nouvelle-Zélande
Les prévisions d'inflation de la RBNZ sont cruciales en ce qui concerne les perspectives du dollar néo-zélandais. Dans son communiqué de presse la semaine dernière, la banque centrale a estimé que "la demande globale des exportations devrait bénéficier d'une amélioration de la croissance de l'économie mondiale" même si les prix à l'exportation des produits agricoles devraient se replier un peu. Les difficultés actuelles dans les pays émergents telles que la Turquie, la Russie et l'Inde n'impacteront pas tellement les prévisions d'inflation en Nouvelle-Zélande comme cette dernière n'exporte pas beaucoup de produits agricoles vers ces pays. Par contre, si l'économie chinoise sombre beaucoup plus qu'attendu dans les prochains mois (le Fonds monétaire international anticipe une croissance de 7,5 % en 2014), ceci pèsera sur les perspectives d'inflation en Nouvelle-Zélande.
A priori, le durcissement de la réglementation sur le lait en poudre pour nourrissons profitera aux entreprises néo-zélandaises étant donné la réputation entachée des producteurs chinois depuis 2008. Toutefois, ce changement représente un facteur de risque pour les producteurs néo-zélandais qu'il ne faudra pas négliger dans les quatre mois à venir.
Ce qu'il faut retenir, c'est que toute dégradation de la conjoncture chinoise cette année devrait peser sur les perspectives de croissance et d'inflation en Nouvelle-Zélande. La RBNZ semble compter sur une amélioration de l'économie mondiale dans un contexte de crise chez les pays émergents et de ralentissement économique en Chine qui devrait se poursuivre en 2014. Pour les producteurs de lait, le changement de la réglementation en Chine représente un risque sectoriel qui pourrait impacter les prix à l'exportation.
3. La position de la RBNZ vis-à-vis du taux d'échange du dollar néo-zélandais
Pour la RBNZ, le taux d'échange élevé du dollar néo-zélandais continue de peser sur l'inflation des prix des biens importés (voir graphique ci-dessus) mais n'est pas "viable sur le long terme". Dans le passé, la RBNZ a essayé plusieurs fois de freiner l'appréciation du kiwi en intervenant directement sur le marché des changes lorsqu'elle considérait sa monnaie nationale trop chère. La dernière fois que nous avons vu la banque centrale intervenir sur le FX était en avril 2013 lorsqu'elle a vendu 256 millions de NZD. La découverte de cette opération par les marchés financiers quelques jours plus tard était un catalyseur fondamental qui a amorcé une dépréciation du kiwi au deuxième trimestre 2013. L'interventionnisme de la RBNZ a toujours été limité (M. Wheeler ne croit pas que ce soit une politique efficace), et les opérations similaires entre 2007 et 2008 n'ont eu aucun impact sur la tendance du dollar néo-zélandais. La probabilité d'une nouvelle intervention de la RBNZ est faible, et même si elle devait procéder à une nouvelle opération directe sur le FX, le résultat sera négligeable. Ceci est donc plutôt un facteur qui limite la possibilité de voir le NZD/USD progresser vers de nouveaux plus hauts historiques, mais pas une raison fondamentale pour vendre le dollar néo-zélandais.
Analyse technique du dollar néo-zélandais
NZD/USD - Cette paire évolue sans tendance dominante depuis près de quatre ans. Dans le passé, les incursions au-delà des 0,86 USD n'ont jamais été soutenues, et le kiwi a fini chaque fois par corriger fortement. Une configuration chartiste en forme de triangle symétrique est évidente sur le graphique des prix du NZD/USD, et compte tenu des facteurs fondamentaux déjà cités qui limitent la progression du dollar néo-zélandais depuis 2011, nous avons le sentiment que le marché finira par sortir par le bas de cette figure. L'échec récent sous les 0,84 USD et la baisse sous les 0,82 USD la semaine dernière laissent penser que le NZD/USD va poursuivre sa correction baissière jusqu'aux 0,77/78 USD dans les semaines qui viennent. Si nous voyons une baisse sous cette zone de prix en 2014, nous prévoirons une forte dépréciation du dollar néo-zélandais avec des objectifs à 0,73/74 USD, 0,69 USD et 0,66 USD. Nous recommandons donc de vendre les rebonds de court terme tant que la paire reste sous ses plus hauts de janvier. 0,8150 et 0,8250 USD sont des niveaux techniques susceptibles d'être vendus désormais.
NZD/USD, Barres OHLC journalières
NZD/CHF - Une figure en Epaule-Tête-Epaule (ETE) a pris forme ces deux dernières années. Nous avons identifié cette configuration au début de janvier et avons invité nos lecteurs à vendre le NZD/CHF sous les 0,76 CHF. Une ligne de tendance baissière qui s'étend depuis les sommets d'avril 2013 sert de résistance. Sous les 0,76 CHF donc, nous prévoyons une forte appréciation du franc suisse contre le dollar néo-zélandais dans les prochains mois. Pour que ce scénario se réalise, il faudra voir une baisse sous les 0,71 CHF cette année, auquel cas un retournement du marché sera effectif. Pour l'instant, nous recommandons de vendre le NZD/CHF sous les 0,7460 CHF pour viser son prochain support vers les 0,72 CHF. En cas de cassure des plus bas de février et baisse soutenue sous les 0,71 CHF comme nous l'anticipons, les objectifs seront établis à 0,69 CHF, 0,6650 CHF, et 0,63 CHF. Il suffit de regarder l'évolution de la paire AUD/CHF depuis 2012 (deuxième graphique ci-dessous) pour comprendre pourquoi nous anticipons un tel retournement baissier du NZD/CHF dès 2014. La chute du NZD/CHF est une de nos convictions fortes cette année.
NZD/CHF, Barres OHLC journalières
AUD/CHF, Barres OHLC journalières
EUR/NZD - La possibilité de voir la Banque centrale européenne (BCE) assouplir davantage sa politique monétaire en 2014 nous donne moins envie d'établir une stratégie de vente du dollar néo-zélandais contre l'euro. Toutefois, si le NZD/CHF finit par décrocher cette année, il y aura une bonne probabilité de voir l'euro progresser fortement contre le kiwi du simple fait de la forte corrélation positive entre ces deux paires de devises (98,05 %). Une droite de tendance limite cette progression de l'EUR/NZD depuis août dernier, mais la configuration en Epaule-Tête-Epaule inversée (ETEI) évident sur les deux dernières années laisse penser qu'un retournement majeur est devant nous. Pour engager ce scénario, il faudra voir un franchissement des 1,69/70 NZD dans les prochaines semaines. Une nette cassure suivie par un dépassement des 1,72 NZD confirmera le potentiel haussier sur cette paire en 2014. Dans ce cas, nous établirons des objectifs de cours à 1,80 NZD et 1,94 NZD. En attendant le retournement anticipé, on peut également rechercher des opportunités d'achat à proximité des 1,63 NZD. Une baisse sous les 1,62 NZD pourrait invalider ces prévisions haussières.
EUR/NZD, Chandeliers hebdomadaires
GBP/NZD - La configuration graphique du GBP/NZD et similaire à celle de l'EUR/NZD dans le sens où nous observons un ralentissement de la tendance baissière de long terme depuis 2011 et un semblant d'ETEI. Acheter cette paire est un peu compliqué car chaque fois que la livre sterling progresse vers de nouveaux plus hauts, une phase corrective se met en place. Il vaut mieux éviter d'acheter la paire sur accélération et essayer d'entrer lors de ces corrections baissières du GBP/NZD. Une droite de tendance en place depuis 2012 soutient la paire et coupe actuellement les 1,9580 NZD. Nous maintiendrons donc un biais haussier sur cette paire tant qu'elle continue à s'échanger au-dessus des 1,96 NZD en 2014. Notre premier objectif à la hausse se situe à 2,10 NZD, soit les plus hauts de 2012. Une forte dépréciation du NZD dans le temps devrait permettre de viser au-delà des 2,10 NZD pour établir des objectifs de long terme à 2,32 NZD voire 2,42 NZD en extension. Fondamentalement, nous pensons que la livre sterling est sous-évaluée par rapport au dollar néo-zélandais, et l'analyse technique indique jusqu'ici que le marché le pense également.
GBP/NZD, Chandeliers hebdomadaires
NZD/JPY - La classification du yen en tant que valeur refuge sur le Forex fait du NZD/JPY une paire très attractive pour vendre durant les périodes d'incertitude sur les marchés financiers. En janvier, les difficultés des pays émergents ont favorisé un net rebond du yen, entraînant un retournement du NZD/JPY que nous avons suivi le 21 janvier. Dans les prochaines séances, cette paire devrait venir prendre appui sur une ligne de tendance de long terme aux alentours des 81 JPY. Comme nous pensons que le yen devrait rester soutenu à l'approche de l'année fiscale 2014 au Japon, qui débutera en avril, il semble probable de voir la correction du NZD/JPY se poursuivre jusqu'à 75 JPY avant la fin du trimestre. Une baisse sous les 81 JPY ouvrira la voie à cette chute que nous anticipons. Il est probable que le NZD/JPY tentera un rebond lors d'un test du support, donc il ne faudra pas vendre la paire à un niveau trop bas. Techniquement parlant, un nouveau rebond sur la ligne de tendance serait même intéressant pour mettre en place une stratégie d'achat sur le court terme. Toutefois, nous ne viserons pas au-delà des 86/87 JPY.
NZD/JPY, Chandeliers journaliers
AUD/NZD - La chute du dollar australien contre son homologue néo-zélandais entre 2012 et 2013 était impressionnant alors que l'aussi a perdu près de 20 % contre le kiwi. Notre stratège technique Jamie Saettele aux Etats-Unis a identifié une opportunité d'achat de l'AUD/NZD en 2014 étant donné que la paire s'approchait d'un support majeur à 1,05 NZD sur lequel la paire rebondit de façon cyclique depuis les années 1980. Le graphique ci-dessous, qui date de décembre 2013, montre ce fait. Jamie explique sa stratégie d'achat de l'AUD/NZD en détail dans notre rapport des prévisions de marché pour 2014.
AUD/NZD, Clôture mensuelle
Comme le graphique mis à jour le montre, la paire a amorcé un rebond technique sur ce support clé la semaine dernière. Sachant que la RBA opte pour une politique de statu quo depuis août 2013, toute dégradation des perspectives d'inflation en Nouvelle-Zélande aidera l'aussie à regagner du terrain contre le kiwi cette année. Pour ceux qui souhaitent acheter cette paire ultra-baissière, il faut privilégier des entrées sur repli vers les 1,05 NZD. Un retour vers les 1,11/12 NZD nous semble possible sans pour autant pouvoir parler d'un retournement de la tendance de fond.
AUD/NZD, Chandeliers hebdomadaires