C’est incontestablement l’un des événements importants sur le marché des changes ces derniers jours : la spectaculaire chute de la livre turque.
La devise figure parmi les monnaies les plus chahutées depuis le début de l’année, aux côtés par exemple d’un peso argentin.
En Turquie, l’institution monétaire a été obligée de prendre des mesures pour tenter d’enrayer la descente aux enfers de la livre.
Réunie en urgence le 23 mai, la Banque centrale (CBRT) a annoncé le relèvement de 3% de l’un de ses principaux taux directeurs pour le porter à 16,5%. Deux jours plus tard, elle a autorisé temporairement les entreprises du pays à rembourser en devise locale des prêts contractés en dollar. L’opération a permis à la livre turque de se reprendre face à l’euro, mais elle restait vendredi soir sur une perte de près de 20% face la monnaie unique depuis le début de l’année et de plus de 25% face au dollar.
Ingérence d’Erdogan
Les experts s’attendent à d’autres interventions de la Banque centrale, même si la question sur le degré de latitude de l’institution par rapport au pouvoir politique est posée.
Le fait que la CBRT ait tardé à intervenir, alors que les économistes réclamaient depuis des mois une hausse des taux d’intérêt, montre en effet à quel point le pouvoir politique interfère dans la gestion monétaire. D’autant que le président Tayyip Erdogan, qui compte être réélu lors du scrutin anticipé du 24 juin prochain, a laissé entendre qu’il pèserait davantage sur la politique monétaire en cas de victoire.
L’ingérence d’Erdogan inquiète jusqu’au FMI qui a appelé au respect de l’indépendance de la banque centrale.
Crise de confiance
Entre-temps, les investisseurs préfèrent se tenir à l’écart de la devise et des actifs liés à la Turquie.
Du fait des tensions sur la Turquie, les cours des obligations de grands groupes turcs libellés en euros ou en dollar ont baissé ces derniers jours. En corollaire, les rendements de ces obligations ont progressé, pour atteindre des niveaux très élevés par rapport au rating de ces sociétés, avec à la clef peut-être des opportunités à saisir.
C’est le cas notamment pour des émetteurs turcs comme Arcelik, Koc Holding AS, Turkcell ou encore Türk Telekomunikasyon, où les investisseurs réclament une prime de risque en raison de leur nationalité.
Arcelik, Koc Hoding, Turkcell…
ARCELIK – Le fabricant d’appareils électroménagers et de téléviseurs d’origine turque est présent avec une obligation d’une maturité égale au 16 septembre 2021 et au coupon de 3,875%. L’obligation a dégringolé de 106% du nominal début avril à 100,73%, de quoi tabler sur un rendement de 3,63%. La coupure est de 100.000 euros et le rating « BB+ » chez S&P.
Arcelik exploite un total de 18 usines, en Turquie, mais également en Roumanie, en Russie, en Chine, en Afrique du Sud, en Thaïlande et au Pakistan. L’entreprise, contrôlée par la famille Koc, a réalisé un chiffre d’affaires de 5,28 milliards de livres au premier trimestre (+/- un milliard d'euros), dont la majorité en Europe et en Afrique du Sud pour un total de 2,725 milliards (+/- 500 millions d'euros). La Turquie a représenté 1,9 milliard (+/- 300 millions).
KOC HOLDING AS – La société holding est aux mains de la famille Koc dont elle regroupe les participations détenues par l’empire familial, et notamment Arcelik. Il s’agit en fait du plus grand conglomérat diversifié dans l’industrie et les services en Turquie en termes de chiffres d’affaires, d’exportations, d’impôts ou encore de nombre d’employés (95.000 personnes). Koc Holding, qui se positionne parmi les 500 meilleures entreprises au monde selon le classement Fortune 500, a fait état d’un chiffre d’affaires de 24 milliards d'euros à la fin de l'année 2017.
Koc Holding AS a notamment émis un emprunt en dollar, d’une maturité égale au 15 mars 2023 servant un coupon de 5,25%. Il y a moyen de l’acheter à 95,95%, soit un rendement de 6,24%. La coupure de cette souche obligataire notée « BBB- » chez Standard & Poor’s est de 200.000 dollars.
TURKCELL - Le principal opérateur mobile en Turquie, Turkcell, qui a réalisé l’année dernière un chiffre d’affaires de 17,63 milliards de livres turques (+/- 3,2 milliards d'euros), sert 50 millions de clients sur son marché local mais également à l’étranger (Georgie, Moldavie, Ukraine…). Son ratio dette nette sur Ebitda était de 1,4 x fin mars, date de la clôture des résultats trimestriels.
Sur le marché obligataire, Turkcell est présent avec un emprunt libellé en dollar, à échéance 15 octobre 2025 et au coupon de 5,75%. Cette obligation rapporte actuellement 6,49% compte tenu d’un prix d’achat de 95,69% du nominal. La coupure est de 200.000 dollars et son rating « BB+ » chez Standard & Poor’s.
TURK TELEKOMUNIKASYON – Türk Telekom est un prestataire turc de services technologiques et de télécommunications offrant à ses clients une gamme complète de services mobiles, haut débit, données, TV et voix fixe. Il est notamment détenu à hauteur de 30% par les autorités turques et 15% du capital est coté en Bourse. Türk Telekom recensait 13,9 millions de lignes fixes, 10,1 millions d’accès à large bande et 19,9 millions de clients en téléphonie mobile à la fin mars.
Sur le marché obligataire, Türk Telekom a levé 500 millions de dollars, par coupures de 200.000, à échéance juin 2024 et rémunéré par un coupon de 4,875%. Le rendement de cette souche obligataire, notée « BB+ » chez Standard & Poor’s, est de 6,71%, sur base d’un prix de 91,01% du nominal.