Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Il n’a pas échappé à de nombreux chroniqueurs que ce mois d’octobre était celui du 90ème anniversaire du krach de 1929.
Nous pouvons nous permettre d’évoquer ce frisson rétrospectif alors que le mois d’octobre 2019 s’est magnifiquement déroulé, à l’exception d’une brève alerte baissière les 1er et 2. Un simple « coup de chaud » vite oublié grâce aux promesses de Donald Trump (non tenues, mais qui s’en soucie) concernant l’imminence d’un grand accord avec la Chine pour mettre un terme à la guerre commerciale.
Grâce également aux injections de la FED, qui se sont poursuivies puis intensifiées après le 10 octobre, date à partir de laquelle tout devait rentrer dans l’ordre sur le marché interbancaire.
Quant au pessimisme lié aux signaux de ralentissement économique, il est actuellement perçu comme un risque de « prophétie auto-réalisatrice » : comme il n’est pas possible de transformer la réalité (surtout après la révision à la baisse des anticipations du FMI pour 2019 et 2020), la seule solution consistait à agir sur le baromètre de la confiance, c’est-à-dire l’humeur des marchés.
Si les investisseurs accueillent les indicateurs macroéconomiques décevants avec calme et sérénité, c’est que la situation n’est, après tout, pas si préoccupante… et donc, les agents économiques ne doivent pas perdre confiance ! On ne saurait rêver plus pertinente illustration de la métaphore de la « queue qui remue le chien ».
Quant aux gérants, qui n’ont cessé de vendre des actions et de retirer de l’argent, au fil des révisions à la baisse de la croissance et des bénéfices, ils se retrouvent sous-investis. Alors bien sûr, cela n’est vrai que parce que les indices ont progressé artificiellement, sous l’effet des discours ultra-accommodants des banques centrales et d’initiatives telles que le rétablissement d’un « QE » par la BCE et de quelque chose qui y ressemble beaucoup aux Etats-Unis… En sus des 120 Mds$ qu’elle injecte au quotidien pour fluidifier le marché interbancaire, la Réserve fédérale a en effet rajouté 60 Mds$ mensuels de « prises en pension » (attention, ce n’est pas un « QE » !) jusqu’à juin 2020.
Les craintes sur la pérennité du système financier ont disparu comme par magie !
Il n’y a cependant pas que la FED et la BCE pour tenter d’imaginer le « coup suivant » : dans un discours de 23 pages, le gouverneur de la Banque d’Angleterre Mark Carney a développé le concept de la création d’une « monnaie hégémonique synthétique » (SHC, pour « Synthetic Hegemonic Currency ») dans le but de mettre fin aux « effets déstabilisateurs » du dollar américain en tant que monnaie de réserve.
De son point de vue, « l’utilisation généralisée du SHC dans le commerce et les finances internationales impliquerait que les monnaies qui composent son panier puissent progressivement être considérées comme des avoirs de réserve fiables, ce qui inciterait les pays émergents à diversifier leurs avoirs dans un actif s’imposant comme une bonne alternative au dollar ».
Il existe déjà un ersatz de « SHC » qui s’appelle le « DTS » (« Droit à Tirages Spéciaux »). Il s’agit d’une monnaie composite dans laquelle les pays qui se refinancent auprès du FMI libellent leur dette, l’objectif étant de ne pas s’exposer à une flambée individuelle du dollar, de l’euro ou de la livre durant la période de remboursement.
Sauf que même dans le DTS, le billet vert représente une pondération prédominante et qui s’est même renforcée au cours des dix dernières années, le système bancaire américain apparaissant plus solide que ses homologues européen et japonais (ce dernier ne survivant que grâce à la monétisation de la dette par la BoJ).
Reste que cette fin de mois d’octobre semble démontrer que les opérateurs ont enterré bien profondément, sous les kilotonnes de liquidités déversées par la FED, leurs craintes concernant la croissance et la pérennité du système financier.
C’est ainsi que, vendredi, le CAC40 « GR » a pu inscrire un nouveau record absolu de clôture à 15 521 points, tandis que le S&P500 égalait au point près son plus haut absolu du 26 juillet dernier à 3 027 points.
Le VIX ayant pour sa part rétrogradé vers 12,65 (au minimum, c’est la zone de confiance, plus probablement de complaisance), les opérateurs jugeront que le faible niveau de risque – malgré les niveaux de valorisation extrême – signifie que la principale « menace » serait en fait de ne pas participer à la prochaine étape dans la course aux records… A rebours du cycle conjoncturel, de la croissance des bénéfices et du surendettement de pléthore des entreprises constituant le S&P500.
Ce n’est rien d’autre que la énième séquence de perpétuation de la « bulle froide » et d’ascension sous contrainte du « mur de la peur » instauré depuis 2009 par le mécanisme de répression financière mis en place par les banques centrales.
Tout comme pour les subprimes, ça fonctionne jusqu’au jour où ça ne fonctionnera plus… Mais pour les banques centrales, le passé reste le principal garant de l’avenir.