Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Nous ne cessons de marteler que la principale cause de la tension des taux, c’est l’excès de dettes. Mais « les dettes ne sont pas un problème » (cf. Donald Trump) – jusqu’au jour où cela en devient un.
Qui est endetté ?
Les États (mammouth et cleptocrates) et les ménages (les consommateurs).
Jusqu’à une date récente, la BCE et la BoJ rachetaient presque toutes les émissions souveraines. Bientôt, il ne restera plus que la BoJ.
Bien sûr, le principal pourvoyeur de liquidités à l’échelle planétaire depuis 1 an, c’est la PBOC (banque centrale chinoise), mais c’est pour renflouer son propre système bancaire et ses industries zombies… En parallèle, certains flux continuent d’inonder le système financier global (et des Chinois continuent de diversifier/sécuriser leurs avoirs à l’étranger).
Les États-Unis commencent à se lancer dans des émissions obligataires de plus en plus titanesques (256 Mds$ d’émissions rien que de mardi à ce jeudi soir, sur des maturités allant de 1 mois à 7 ans). Si ça ne coince pas encore du côté des T-Notes et des T-Bonds, c’est parce que les rémunérations offertes sont de plus en plus substantielles : 1,40% sur 1 mois (contre 0,3% en décembre 2016 et zéro en octobre 2015), 2,27% sur le 2 ans, 2,655% sur le 5 ans… et à l’autre bout de la courbe, 3,18% sur le 30 ans. Alors bien sûr, les permabuls tenteront de vous convaincre que même avec +100 points de base sur les 12 derniers mois, les taux restent historiquement bas. Mais vu la masse de capitaux empruntés, cela va bientôt devenir intenable pour les ménages américains, les emprunteurs hypothécaires.
Car les ménages US sont victimes d’un effet de ciseaux, coincés entre l’envol de l’inflation réelle (loyers, frais d’études supérieures (student loans), assurance santé et médicaments), et des les salaires qui, « déflatés », affichent une évolution négative depuis la crise de 2008. Et en ce qui concerne la hausse du « pouvoir d’achat immobilier », soi-disant amélioré par la baisse des taux hypothécaires, cela ne tient pas la route une seule seconde vu la flambée du prix au mètre carré qui explose en Californie et sur toute la côte ouest, dans le Nevada, la Floride et les grandes métropoles du Nord-Est.
Les chiffres officiels de l’inflation sont une des plus révoltantes fake news que nous dénonçons sans relâche mais que la récente tension des taux commence à refléter.
Contre-attaque des médias mainstream : une déferlante d’articles de circonstance visant à calmer les esprits et dont le message est presque invariablement : « Le retour de l’inflation n’est pas pour demain. » Nous pouvons donner un certain crédit à cette formulation : ce n’est effectivement pas pour demain puisque l’inflation sévit déjà depuis avant-hier !
La jauge de l’inflation est faussée depuis de décennies par le BLS (le même qui nous livre les chiffres mensuels de l’emploi bidon baptisé NFP) grâce à une sous-estimation alambiquée du prix des téléviseurs, des ordinateurs et des smartphones (les iPhones ont allègrement franchi le cap des 1 000 $ en 2017). Et la même fiction statistique que pour l’électronique s’applique avec encore plus de sévérité aux voitures neuves : le prix moyen était de 19.200 $ en 1997 contre 33.560 $ en 2017 (soit +75%) mais selon le BLS, l’augmentation « réelle » ressort à… zéro.
Normal, pour comparer ce qui est comparable, le véhicule 2017 est délesté du GPS, de la caméra de recul, de l’antipatinage, de l’ordinateur de bord, des sièges chauffants et autres accessoires aujourd’hui montés en série mais pas indispensables à la mobilité du véhicule. Mais le poste de dépense le plus scandaleusement falsifié, c’est le coût du logement qui aurait augmenté de seulement 56% au cours des 20 dernières années. Il suffit de lancer une recherche sur Google (NASDAQ:GOOGL) pour constater que le prix moyen d’une maison était de 175.000 $ en 1997 alors qu’il culminait à 380.000 $ en 2017 : une augmentation de 117%. Le loyer mensuel moyen en 1997 était de 576 $ alors qu’il s’établissait à 1.021 $ en 2017 : une augmentation de 90%.
Et que dit le BLS du doublement des frais de scolarité en 10 ans ?
Eh bien rien, puisque l’on n’est pas obligé de faire des études universitaires à la sortie du collège : c’est le même raisonnement que pour le carré Hermès (PA:HRMS), la montre à tourbillon et le yacht avec pont en acajou et double moteur de 800Cv. Autrement dit, l’inflation réelle est bien supérieure à 3% par an depuis 2008 (le double de l’estimation officielle) tandis que les salaires baissent régulièrement en termes réels (sans parler de l’inégalité de répartition des hausses de revenus, toujours au profit des mieux lotis).
Dans ces conditions, si la consommation ne fléchit pas, c’est que la pénurie de pouvoir d’achat est compensée par l’expansion du crédit et de la dette. Vous voyez où je veux en venir. Cela nous ramène au premier paragraphe : la boucle est bouclée.