Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Ahhh ! merci les algos, merci les robots ! L’inertie haussière consécutive au krach à la hausse de lundi sur les marchés (c’est ce à quoi nous avons assisté techniquement) se propage d’heure en heure et de séance en séance. En fait, le concept d’inertie ne se résume pas aux deux nouveaux records annuels marginaux observés mardi et mercredi sur le CAC40 car les achats de lundi n’étaient en aucun des achats de conviction. Qui paierait par conviction un titre bancaire qui ouvre sur un gap de +8% alors qu’il était loin d’être survendu la veille ? Pas un seul gérant, bien sûr. Par contre, un programme informatique qui ramasse du papier quel que soit le niveau de l’offre parce qu’il faut re-pondérer le portefeuille. Et il en va de même pour les centaines d’ETF qui répliquent les indices CAC40, SBF-120, EuroSToxx50 ou le secteur bancaire européen… Sans parler des programmes informatiques qui se précipitent sur tout foyer de volatilité (à la hausse comme à la baisse) parce que la volatilité permet de multiplier les allers-retours – et plus c’est « directionnel », plus c’est lucratif.
Toute cette manœuvre n’a été expliquée et justifiée par le soi-disant soulagement des opérateurs pour habiller d’un vernis humain un phénomène essentiellement technique. S’il y avait un peu d’humain derrière tout cela, nous verrions des fluctuations intraday de type « montagnes russes », au gré des arbitrages, des prises de profit ou des rotations sectorielles.
Le CAC40 continue sa marche en crabe
Mais regardez l’évolution des prix du CAC40 en données 15 minutes depuis lundi… Elle s’apparente pratiquement à un encéphalogramme plat.
Il n’existe plus un gérant ou un trader pour contester la valorisation des actifs, challenger les supports et les résistances. Les cours sont ce qu’ils sont à 5% de plus, 10% de plus, peu importe. Le marché « prend acte » et ne remet jamais rien en question. Comme le dirait Gilles Leclerc, ce n’est d’ailleurs pas le rôle du trader de se demander si le marché a raison, ou pas. Le trader, lui, ne doit que suivre le plan de trade qu’il a établi (et même si cet état de fait me hérisse, j’avoue que le pragmatisme et le professionnalisme de Gilles sont sans appel, et c’est la raison pour laquelle j’ai décidé de travailler avec lui pour ma prochaine lettre. Je vous en dirai plus très bientôt !).
C’est l’avènement de la marche du crabe, dont vous parlait Gilles il y a quelques semaines. Le marché évolue comme s’il s’agissait d’une succession de fixings : une séance de hausse est suivie de X séances de consolidation à l’horizontal, et le réel (l’actualité macro) n’a absolument aucun impact. Alors, nous sommes dans une situation similaire à un prochain séisme, que nous ne pouvons qu’observer passivement. Nous avons deux plaques tectoniques : elles ne coulissent que par à coup (peu importe ce qui se passe à leur surface) lorsque les tensions accumulées dépassent la résistance mécanique des roches. Le séisme libérateur peut intervenir à n’importe quel moment, aussi bien le jour que la nuit, aussi bien avec des sols chauffés à 50° que glacés à -50. Et pour en revenir à notre krach indiciel à la hausse, il s’agit donc du premier grand séisme haussier surgissant à 2% d’un record absolu. Nous faisons-là référence non pas au CAC40 dont il question au journal de 20 heures mais à celui qui sert de référence aux professionnels de la finance : le CAC40 global return. Il vient d’établir un nouveau record à 13 137 Pts, ce qui signifie qu’il vient de prendre +41% en 14 mois (depuis fin janvier 2016).
Les questions que vous devez donc vous poser à présent sont les suivantes :
Est-ce que les actions étaient notoirement sous-valorisées au moment où s’est enclenché le rallye haussier ? (Rappelons que la Bourse avait flambé en 2014/2015 alors que les bénéfices déclinaient).
Est-ce que les profits des entreprises affichent une progression comparable depuis février 2016 ?
Si la hausse des profits est effectivement très robuste, ce rythme est-il tenable ?
Et pour vous aider à remettre les niveaux actuels du CAC40 GR en perspective, sa valorisation, à 13 100 (j’arrondis pour faciliter la démonstration) est de 2,9 fois son plancher des 4 500 de mars 2009. Amusant : la précédente super-vague de hausse de mars 2003 à mai 2007 (entre 3 700 et 10 700, en gros) s’était également soldée par une multiplication par 2,9 de la valeur de l’indice. A 13 100 Pts, le CAC40 GR se situe 22% au-dessus de son record de mai 2007. Alors posons-nous la question qui fâche : les profits sont-ils également 22% plus élevés que 10 ans auparavant ? D’où notre dernière question : sommes-nous à la veille d’un grand saut dans l’inconnu, avec un triplement ou un quadruplement des valorisations et des multiples de capitalisation en mode no limit ? Du point de vue d’un marché où les robots font 80% des volumes, c’est complètement indifférent, un prix en vaut un autre. Il n’est ni outrageusement gonflé ni sous-évalué, c’est juste une succession de 0 et de 1 dont l’ordonnancement change au gré des flux.