La presse ne lâchera pas sa proie. Trump est devenu le président à abattre. Le moindre faux pas lors de sa tournée au Proche-Orient (Arabie Saoudite ce week-end, puis Israël, les territoires palestiniens, le Vatican, Bruxelles…) sera mis à la une, commenté au vitriol, et rajouté à la liste des éléments pouvant motiver un impeachment. Pendant que Trump faisait la révérence samedi (quelle honte pour l’Amérique) face au roi d’Arabie (faisant oublier Melania, cheveux au vent, à la sortie d’Air Force One), le New York Times continuait d’alimenter la polémique en divulguant des fragments très embarrassants des échanges entre le président et les diplomates russes dans le Bureau ovale. Donald Trump aurait qualifié James Comey (qu’il venait de limoger) de « dingue ».
Nous ne savons pas ce qui est le plus dingue : que ce qualificatif concernant l’ex-patron du FBI ait été employé devant Sergueï Lavrov… ou que cet échange ait fuité dans la presse. Le New York Times ou le Washington Post ont-ils déjà révélé la moindre indiscrétion, le moindre off embarrassant durant les deux mandats de Barack Obama ? Quant à des fuites provenant du bureau du Kremlin de Vladimir Poutine, cela ne constitue même pas une hypothèse. Cela signifierait que M. Poutine ne maîtrise pas ses troupes – impensable (La Russie et son énorme potentiel de croissance font d’ailleurs l’objet du premier numéro de ma lettre Béchade Confidentiel ; nous vous l’envoyons gratuitement pendant un mois avec mon livre Fake News).
La presse américaine se déchaîne contre le risque pris par Donald Trump d’avoir fait rentrer des maîtres espions à la Maison-Blanche – Dieu seul sait quels gadgets électroniques ils auraient pu y introduire. Mais qui a fuité au final ?
Ces 3 000 Mds$ qui risquent de partir en fumée
Pour Wall Street, la principale question ne porte pas sur le risque d’impeachment du président, mais sur celui d’inexécution de l’agenda des réformes : le marché a payé très cher (plus de 3000 Mds$ de hausse des actions) la promesse de « moins d’impôts, moins de régulation, plus de dépenses, plus de croissance »… si ces espoirs s’évaporent, les milliers de milliards de dollars risquent eux aussi de partir en fumée. Mon étonnement grandissant provient de ce que Wall Street reste finalement relativement stoïque, alors que rien de ce que les investisseurs espéraient ne se matérialise. Soit parce que le Congrès s’y oppose, soit parce que l’état des finances américaines va rendre la chose très compliquée (voir par exemple les 4 000 Mds$ qui manquent pour financer les retraites des fonctionnaires fédéraux, soit 20% du PIB américain).
Le trou d’air de mercredi dernier est survenu non seulement à cause des révélations du New York Times (cela dit, cela fait des mois que la presse fait tout pour décrédibiliser Trump)… mais surtout à cause du krach (-10%) de la Bourse de São Paulo, sur fond de plongeon de -8% du réal, liées à un nouveau scandale de corruption du président. Or, les turbulences politiques brésiliennes impactent très concrètement le business des entreprises américaines implantées au Brésil. Sale temps pour les détenteurs de dette brésilienne, coup dur pour les détenteurs d’ETF !
De bons connaisseurs des marchés se sont alors penchés sur les réactions de Wall Street lors des précédentes scandales ayant impliqué la Maison-Blanche, lesquels ont parfois abouti au lancement d’une procédure de destitution.
Comment a réagi Wall Street lors des précédents scandales politiques ?
Il y a tout juste 96 ans, le scandale du Teapot Dome (une sorte d’affaire Pétrobras à l’américaine) n’avait pas fait dérailler le rally haussier de 1920/1921… pas plus que l’affaire de Monica Lewinsky (1995/1997)… … Et pendant le Watergate ? La baisse déjà bien amorcée des marchés lors du Watergate coïncida avec la forte récession consécutive au brutal durcissement monétaire de la Fed qui devait contrer les pressions inflationnistes déclenchées par le désarrimage du dollar à l’or en 1971 et aggravée par le choc pétrolier de l’après la guerre du Kippour.
Donc, la conclusion de la plupart des analyses, c’est que le principal déterminant de la bonne santé de Wall Street, c’est une politique monétaire durablement accommodante… Les experts ne voient donc pas en quoi l’éventuel remplacement de Donald Trump par Mike Pence (qui bénéficierait de la confiance des agences de renseignement, du Congrès et d’un meilleur traitement de la part de la presse) pourrait conduire la Fed à cesser de chercher à complaire à Wall Street….
Du moment que la Fed reste dovish…
Le seul problème, c’est qu’en 2006 et 2007, la Fed se montrait déjà aveugle et accommodante s’agissant des subprime et de la bulle immobilière. 10 ans plus tard, la Fed, la BCE, la Bank of Japan (BoJ) se montrent tout aussi aveugles concernant la totalité des bulles qui touchent, cette fois, la totalité des actifs financiarisés. Et contrairement à 2006/2007, plus personne ne croit à une croissance solide à 3% par an – ce qui rend la valorisation actuelle de Wall-Street, Paris, Londres, Francfort… intenable.
C’est pourquoi la smart money mise déjà sur l’extension des QE no limit, à rebours des experts qui dissertent sur la meilleure façon dont les banques centrales pourraient aborder avec 1 000 précautions la question de la réduction de la taille de leur bilan. Car non seulement elles ne le peuvent pas… mais une période de turbulences politiques pourrait fournir à la Fed un excellent prétexte pour rendre l’argent plus abondant, en attendant de pouvoir reprendre (du moins c’est ce qu’elle prétendra) son cycle de « normalisation » des taux.