Au fil des mois, l’inflation atteint des sommets historiques et se révèle à chaque fois, supérieure aux prévisions de ceux qui jugeait le phénomène "temporaire". Et plus les mois passent, plus la hausse des prix semble s'apparenter à un cercle vicieux. Sans évoquer un scénario à la turque ou une inflation à deux chiffres, en voulant à tout prix soutenir l’économie, les banquiers centraux américains et européens ont-ils créé un monstre incontrôlable ?
Durant la dernière décennie et malgré des politiques accommodantes, l’inflation peinait à atteindre le sacro-saint niveau de 2%, soit le mandat des Banques centrales et ce dont se plaignaient les économistes. Mais en voulant sauver à tout prix l’économie en 2020, les grands argentiers ont fait sortir le génie de la lampe.
On le sait, même si sa typologie diffère en fonction d’où l’on se trouve, l'inflation à l’échelle mondiale découle essentiellement de l’envolée des prix de l’énergie et des goulots d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement, dus à la forte reprise économique et aux mesures sanitaires qui plombent la production, avec des pans entiers de l’industrie qui souffre d’un manque de mains d’œuvre.
Et au plus le pouvoir d'achat et le panier de la ménagère se voient impactés, au plus les employés revendiquent des augmentations de salaire, ce qu'ils obtiennent en raison d’une situation de plein-emploi aux Etats-Unis par exemple, ou indirectement, par la hausse de l’index comme c’est le cas en Belgique. Des revalorisations salariales qui engendrent à leur tour un nouveau cycle d'inflation… bref, un cercle vicieux dont il semble difficile de s'extirper. Et rien ne dit que la hausse des taux directeurs par les Banques centrales sera en mesure d’enrayer cette spirale infernale.
Rattrapés à leur propre jeu, ceux-là même qui ont évoqué pendant des mois le scénario d’une inflation temporaire ont été forcés de changer de discours, sapant au passage leur crédibilité. On pense à Christine Lagarde qui s’est dit étonnée de la flambée des prix supérieure aux attentes en janvier au sein de la zone euro. Et ce au point de pousser l'institution à changer de ton et anticiper une hausse de ses taux plus précoce que prévu, seule arme à disposition de la BCE.
Le plus inquiétant est toutefois que Lagarde s’est interrogée quant à l'efficacité de ce type de mesure monétaire sur l'inflation, notant que l’évolution des produits énergétiques relève d’enjeux qui se jouent en dehors de la zone euro et des éléments sur lesquels une Banque centrale n’a pas réellement d'emprise, à savoir l’évolution du cours du pétrole et du gaz.
Et ce d’autant que la hausse de ces denrées se voit exacerbée par les tensions géopolitiques dans un dossier russo-ukrainien qui s’enlise et dont on ne voir guère d’issue. Vendredi, le prix du baril gagnait encore près de 4%, avec la barre des 100 dollars qui ne semble plus être qu’une question de jours. Ce qui ne manquera pas de soutenir la hausse des prix dans les semaines et mois à venir…
Davantage que la hausse des taux directeurs, c’est assurément la fin de la pandémie et un retour à la normale sur les chaînes de production qui devraient faire baisser les prix. Pour autant bien sûr que l’on soit épargné par l’arrivée d’un nouveau variant. Certes, il est utile de rappeler qu’au fil des mois, l’inflation sera calculée sur une base plus élevée et logiquement mois défavorable...
Une chose est sûre, avec une inflation supérieure à 7% en janvier aux Etats-Unis et à 5% dans la zone euro (7% en Belgique), avec de surcroît, une croissance au rendez-vous, plus rien ne justifie la politique de taux zéro et les injections massives de liquidités.
La Fed devrait plus que probablement relever de 50 points de base son taux directeur en mars, et d’autres hausses devraient suivre rapidement. Mais si les marchés ont déjà intégré ce resserrement monétaire, les taux nominaux soustraits du taux d'inflation restent encore très négatifs, ce qui a de quoi interloquer...