- Fortement ébranlé par la crise, le secteur bancaire britannique a bénéficié de plans de sauvetage et de mesures non conventionnelles de la Banque d’Angleterre de soutien à la liquidité dont les effets sur la dynamique du crédit ont été peu probants jusqu’à présent.
- Pour relancer le crédit au secteur privé, la Banque d’Angleterre a mis sur pied en juillet dernier un dispositif complémentaire, le Funding for Lending Scheme (FLS),permettant aux établissements d’emprunter jusqu’à 5% du montant déjà octroyé au secteur privé.
- Cette mesure devrait avoir une portée limitée en raison de l’atonie de la demande de crédit dans un contexte économique encore très dégradé.
En juillet dernier, la Banque d’Angleterre (BoE) a annoncé,
conjointement avec le Trésor, le déploiement d’un mécanisme
complémentaire de refinancement à moyen terme, le Funding for
Lending Scheme (FLS). Fin septembre, la Financial Services
Authority (FSA) a également dévoilé un desserrement de l’étau
réglementaire en matière de capital et de liquidité afin de
redonner aux banques des marges de manœuvre pour soutenir
l’économie.
Le FLS : fondement et principe de fonctionnement
Dans le sillage de la crise financière, le retournement conjoncturel
s’est traduit par une nette dégradation de la confiance des agents
privés, à l’origine depuis courant 2009 d’un ralentissement puis
d’une contraction des crédits (cf. graphique 1). Concernant les
ménages, l’effritement de leur solvabilité et la raréfaction du crédit
se sont accompagnés par une chute de la valeur des actifs
immobiliers ayant elle-même conduit à l’enclenchement d’une
spirale baissière en matière d’octroi du crédit. Quant aux sociétés
non financières, la dégradation de leur santé financière
consécutive à la crise les a conduites à déployer des stratégies
de désendettement (deleveraging), entraînant une diminution de
leur taux d’investissement (15,5% en 2010 contre 19,4% en
2000). Le crédit au secteur privé s’est particulièrement contracté
fin décembre 2010 (-9,4%) sans que celui-ci ait retrouvé en août
2012 un réel dynamisme : le taux de croissance des crédits au
secteur privé demeurait négatif (-1,4%) avec un recul plus
fortement marqué pour les sociétés non financières (-4,3%) que
pour les ménages (-0,3%).
Les différentes mesures précédentes de soutien à la liquidité (cf.
encadré) n’ont pas suffi à raviver la dynamique du crédit. Le FLS
vient en réponse. Ce dispositif vise à relancer le crédit aux
ménages et aux entreprises en offrant aux banques un
complément de ressources banque centrale à un coût d’autant
plus faible qu’elles augmenteront leur volume de prêts au secteur
privé. La question est désormais de savoir quelle sera la portée
de ce mécanisme. Dans un contexte où le marché du crédit
britannique semble désormais dans une situation de trappe à
liquidité, c'est-à-dire où la demande de crédit est inélastique au
taux d’intérêt 1 , des doutes planent sur l’efficacité de ce nouveau
mécanisme.
Dans un premier temps, la BoE échange des emprunts d’Etat
(treasury bills) contre des actifs éligibles à la Discount Window
Facility (DWF), soit une gamme élargie de collatéraux (titres
adossés à des hypothèques résidentielles, créances titrisées sur
cartes de crédit, prêts étudiants ou à la consommation, titres
adossés à des prêts commerciaux, papier commercial sécurisé
par des actifs) 2 . Dans un second temps, les banques peuvent
mobiliser ces titres pour obtenir des refinancements auprès de la
BoE au taux de base. Le coût de financement total de cette
opération est égal à la somme du taux de base et la commission
versée à la BoE. Les établissements qui souhaitent participer à
ce dispositif devront préalablement informer la BoE de leurs
intentions, du montant sollicité et du collatéral mobilisé en
échange des lignes de crédit octroyées.
Les établissements éligibles à ce mécanisme soit les banques et
les sociétés de crédit immobilier (building societies) participantes
aux opérations de politique monétaire, peuvent emprunter sur
quatre ans maximum, depuis le 1 er août 2012 et jusqu’au
31 janvier 2014, jusqu’à 5 % du montant déjà octroyé au secteur
privé au 30 juin 2012 (totalisant soit 80 milliards de livres) auquel
s’ajoute l’augmentation des prêts durant une période de référence
courant jusqu’à fin 2013. Les banques doivent s’acquitter d’une
commission annuelle dont le taux est fonction du volume des
prêts octroyés : pour les établissements qui s’engagent à
maintenir ou accroître leur volume de prêts, la commission
annuelle s’établit au taux plancher de 0,25% mais, à l’inverse, la
BoE l’augmentera linéairement de 0,25 point de base annuel à
chaque diminution de prêts équivalente à 1%, le taux de
commission grimpant à 1,5% en cas de contraction du volume de
prêts de 5% ou plus.
Un plan de refinancement aux effets probablement limités
La BoE attend du FLS un impact tant sur la quantité que sur le
coût des crédits octroyés au secteur privé, même si elle reconnaît
également qu’il est difficile d’évaluer a priori son incidence sur la
dynamique du crédit en raison de l’incapacité d’apprécier ex-ante
la trajectoire du crédit qui aurait été celle en l’absence du FLS. En
outre, la BoE insiste sur le fait que ce dispositif a été introduit
pour atténuer la remontée probable à moyen terme des coûts de
refinancement qui restent, pour le moment, historiquement bas.
Différents éléments invitent à la prudence quant à l’efficacité du
FLS. Le désendettement du secteur privé et la conjoncture
toujours passablement dégradée continuent de peser sur la
demande de crédit. Les ménages ont sensiblement diminué leur
endettement mesuré en pourcentage du PIB (-9 points) depuis
décembre 2009 (92% au T1 2012 contre 101% au T4 2009) et,
de même, les sociétés non financières ont réduit leur dette (82%
du PIB au T1 2012 après 87% au T4 2009). Nos hypothèses de
croissance ont été révisées successivement à la baisse, et il est
probable que 2012 s’achève sur un léger recul du PIB (-0,4%),
tandis que 2013 afficherait encore une croissance molle (+0,5%).
Le taux de participation des banques britanniques reste, pour
l’heure, inconnu. La BoE a d’ores et déjà fait savoir qu’elle
publiera dès décembre prochain (et selon une périodicité
trimestrielle) le montant des prêts nets octroyés au secteur privé
non financier. Bénéficiant de relais de croissance à l’étranger, les
établissements implantés à l’international (HSBC et Standard
Chartered) auront une faible appétence à se recentrer sur leur
marché domestique. A ce titre, HSBC a déjà annoncé qu’elle ne
souhaitait pas participer à ce plan. Les banques peu diversifiées
géographiquement (RBS et Lloyds) sont également celles qui,
déjà touchées de plein fouet par le retournement du cycle
conjoncturel, demeurent particulièrement affectées par le
deleveraging du secteur privé et le spectre d’une correction de
Les établissements éligibles à ce mécanisme soit les banques et
les sociétés de crédit immobilier (building societies) participantes
aux opérations de politique monétaire, peuvent emprunter sur
quatre ans maximum, depuis le 1 er août 2012 et jusqu’au
31 janvier 2014, jusqu’à 5 % du montant déjà octroyé au secteur
privé au 30 juin 2012 (totalisant soit 80 milliards de livres) auquel
s’ajoute l’augmentation des prêts durant une période de référence
courant jusqu’à fin 2013. Les banques doivent s’acquitter d’une
commission annuelle dont le taux est fonction du volume des
prêts octroyés : pour les établissements qui s’engagent à
maintenir ou accroître leur volume de prêts, la commission
annuelle s’établit au taux plancher de 0,25% mais, à l’inverse, la
BoE l’augmentera linéairement de 0,25 point de base annuel à
chaque diminution de prêts équivalente à 1%, le taux de
commission grimpant à 1,5% en cas de contraction du volume de
prêts de 5% ou plus.
Un plan de refinancement aux effets probablement limités
La BoE attend du FLS un impact tant sur la quantité que sur le
coût des crédits octroyés au secteur privé, même si elle reconnaît
également qu’il est difficile d’évaluer a priori son incidence sur la
dynamique du crédit en raison de l’incapacité d’apprécier ex-ante
la trajectoire du crédit qui aurait été celle en l’absence du FLS. En
outre, la BoE insiste sur le fait que ce dispositif a été introduit
pour atténuer la remontée probable à moyen terme des coûts de
refinancement qui restent, pour le moment, historiquement bas.
Différents éléments invitent à la prudence quant à l’efficacité du
FLS. Le désendettement du secteur privé et la conjoncture
toujours passablement dégradée continuent de peser sur la
demande de crédit. Les ménages ont sensiblement diminué leur
endettement mesuré en pourcentage du PIB (-9 points) depuis
décembre 2009 (92% au T1 2012 contre 101% au T4 2009) et,
de même, les sociétés non financières ont réduit leur dette (82%
du PIB au T1 2012 après 87% au T4 2009). Nos hypothèses de
croissance ont été révisées successivement à la baisse, et il est
probable que 2012 s’achève sur un léger recul du PIB (-0,4%),
tandis que 2013 afficherait encore une croissance molle (+0,5%).
Le taux de participation des banques britanniques reste, pour
l’heure, inconnu. La BoE a d’ores et déjà fait savoir qu’elle
publiera dès décembre prochain (et selon une périodicité
trimestrielle) le montant des prêts nets octroyés au secteur privé
non financier. Bénéficiant de relais de croissance à l’étranger, les
établissements implantés à l’international (HSBC et Standard
Chartered) auront une faible appétence à se recentrer sur leur
marché domestique. A ce titre, HSBC a déjà annoncé qu’elle ne
souhaitait pas participer à ce plan. Les banques peu diversifiées
géographiquement (RBS et Lloyds) sont également celles qui,
déjà touchées de plein fouet par le retournement du cycle
conjoncturel, demeurent particulièrement affectées par le
deleveraging du secteur privé et le spectre d’une correction de
l’immobilier résidentiel domestique. Elles continueront
probablement de concentrer leurs efforts sur la restauration de
leur solvabilité en privilégiant l’assainissement de leurs bilans et
l’amélioration de la qualité de leurs portefeuilles de crédit. En
outre, les banques qui doivent encore deleverager sur une partie
de leur portefeuille de prêts (en ne renouvelant pas certains
financements) seront ainsi pénalisées dans le cadre du FLS par
des commissions versées à la BoE plus élevées. Enfin, elles
semblent actuellement tirer profit des mesures de soutien à la
liquidité pour alléger le coût de leur dette en utilisant le cash
disponible pour racheter une partie de leur propre dette : RBS,
Lloyds et Barclays ont fait récemment une offre de rachat de leurs
propres dettes, toutes zones géographiques confondues, pour
respectivement 16,0 et 13,7 milliards de livres et 6,6 milliards
d’euros.
Néanmoins, si les crédits ne sont pas rendus moins risqués par
ce dispositif (car l’environnement reste dégradé), le moindre coût
du funding permettra peut-être d’élargir la marge d’intérêt et de
rendre les banques plus à même de couvrir le risque de crédit. En
outre, ce mécanisme permet surtout d’alléger la future contrainte
de la liquidité à court terme Liquidity Coverage Ratio (i.e. Bâle 3),
en autorisant les établissements soit à élargir leurs actifs liquides
(High Quality Liquid Assets), soit à obtenir de la liquidité BoE pour
accroître leurs prêts à l’économie sans réduire leurs HQLA et leur
LCR.
Pour accompagner les différentes mesures exceptionnelles déjà
prises par la BoE et éviter un allégement trop rapide des bilans
bancaires aux effets néfastes pour l’économie réelle, la FSA a
introduit, fin septembre, un assouplissement des règles en
matière de capital et de liquidité. En premier lieu, les prêts
octroyés au secteur privé dans le cadre du FLS ne nécessiteront
pas de capital supplémentaire, ce qui revient désormais pour le
régulateur à les considérer comme non risqués. A l’heure où nous
écrivons cet article, nous n’avons, toutefois, pas davantage
d’éléments sur la pérennité de cette mesure. Cet allégement de la
contrainte en capital va, cependant, à l’encontre de la CRD4 et,
sans doute, des exigences de marché. En outre, les grandes
banques ne seront plus tenues de détenir un ratio Core tier 1
supérieur aux exigences bâloises de 10% d’ici à la fin de l’année
prochaine, comme le recommandait initialement le rapport
Vickers, en échange d’un accroissement de leurs prêts. Enfin, la
gamme d’actifs mobilisables en tant que matelas de sécurité en
cas de crise financière sera élargie : 10% de ce coussin pourra
dorénavant être constitué d’actifs éligibles aux opérations de la
BoE comme collatéraux.
Projet d’une entité dédiée au financement des PME
Tendant à reconnaître implicitement les limites du FLS, le
gouvernement a également annoncé en septembre dernier le
projet de création d’une entité dédiée au financement des PME.
Son objectif est là encore de redynamiser l’économie britannique
en offrant un soutien financier à destination d’entreprises en
croissance et en appuyant leur essor dans la compétition
internationale à l’innovation. Cette structure privée, bénéficiant
d’une garantie publique à hauteur d’un milliard de livres, devrait
voir le jour au mieux d’ici à dix-huit mois et pourrait lever a
minima 10 milliards de livres auprès du secteur privé. Elle ne
bénéficiera pas, en revanche, de financements publics
complémentaires. Les modalités de son fonctionnement seront
connues en décembre prochain.
Le gouvernement a multiplié les actions pour « dégripper » le
marché du crédit. Le Royaume-Uni a déjà mis en place un outil
destiné à favoriser la levée de fonds propres par les entreprises
en croissance, l’Enterprise Investment Scheme. Adoptée en 1994
et amendée en mars 2011, cette disposition législative permet
aux Business Angels de bénéficier d’avantages fiscaux et d’un
allégement de leurs risques 4 .
***
En allégeant la contrainte de liquidité réglementaire, la FLS va
sans doute contribuer à limiter la contraction des encours de
crédits, ce qui constitue déjà un aspect positif. Néanmoins,
compte tenu du contexte de la demande, il apparaît peu
vraisemblable que ce dispositif suffise à relancer les volumes de
prêts. Sans une véritable embellie de la conjoncture et un retour
de la confiance au Royaume-Uni, toute initiative des pouvoirs
publics pour soutenir le crédit domestique verrait son efficacité
limitée.