Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Donald Trump a cette nuit déclenché une offensive douanière surprise à l’encontre de Pékin. Non pas sur le fond, car une hausse des tarifs douaniers sur les 300Mds$ de produits chinois pas encore taxés était une menace récurrente. Mais sur le “timing”, puisque tout le monde se projetait déjà dans le prochain round de négociations commerciales annoncé pour début septembre.
Pour mesurer à quel point Wall Street fut surpris, le VIX (baromètre du stress) s’est envolé de 11% à 17,9 (après 16,5% la veille, cela représente en fait 30% en 48 heures) : il se retrouve ainsi au plus haut depuis le 3 juin.
Les marchés obligataires enregistrent un spectaculaire effondrement des rendements avec un 10 ans US plongeant de 2,02% vers 1,95% à la mi-séance, puis vers 1,88% (soit -14 points de base).
Le rendement du 30 ans US dévissait quant à lui vers 2,38% (-13 points de base). Le plancher long terme des 2,464% du 7 juillet dernier est sévèrement enfoncé.
Ce matin, le CAC40 plonge de -2,3%, sous les 5 430 points et invalide le retour dans son corridor 5 550/5 620 survenu la veille.
La hausse pourrait être aggravée à 25% dans les prochains mois
Donald Trump a donc déclenché l’offensive douanière – sans préavis – au lendemain même d’un nouveau fiasco des pourparlers commerciaux sino-américains, prévenant que cette hausse de 10% qui entrera en vigueur le 1er septembre pourrait être aggravée à 25% – pour obtenir une taxation uniforme pour tous les produits chinois – par la suite.
Il était évident depuis mercredi matin que le déplacement de Steven Mnuchin et Robert Lighthizer à Shanghai s’était soldé par un échec. Les pourparlers “francs et constructifs” s’étaient achevés prématurément, avec fixation d’un nouveau rendez-vous début septembre.
Les marchés n’avaient pas compris à quel point cette rencontre s’était mal passée.
Donald Trump a improvisé jeudi après-midi une conférence de presse dans les jardins de la Maison Blanche où il s’est expliqué sur sa décision : “J’en ai assez de voir que Pékin ne tient pas parole en matière d’importations agricoles, ne cesse de modifier au dernier moment les termes des accords, sans parler de l’embargo chinois sur certains médicaments, ce qui constitue une intolérable première dans l’histoire des échanges sino-américains.
“De plus, la Chine dévalue sa monnaie pour soutenir ses exportations. Alors nous allons taxer les produits chinois jusqu’à ce que Xi Jinping réclame un accord, car il ne bouge pas assez vite et cela dure depuis trop longtemps. Il est temps de mettre fin à 20 ans de pillage de notre économie par la Chine.
“Et si Xi Jinping ne veut pas d’accord, cela me va aussi : on va continuer de prendre des dizaines de milliards de taxes à la Chine et c’est les consommateurs chinois que cela va le plus pénaliser, pas les Américains.”
La Chine a répliqué ce matin, précisant qu’elle ne veut pas de guerre commerciale, mais que si tel est le cas, elle est prête à y répondre.
Donald Trump invoque Hong Kong comme raison supplémentaire
Et Pékin ne va certainement pas apprécier une autre réflexion de Donald Trump : “En ce qui concerne les manifestations à Hong Kong, il y a manifestement un problème qui doit être résolu, mais je ne connais pas la position de Pékin dans ce dossier”… ce sera certainement pris pour une ingérence intolérable dans les affaires intérieures chinoises.
Et last but not least : Steven Mnuchin a recommandé à Trump de ne pas sanctionner la Chine sans préavis… il n’a manifestement pas été écouté.
Ce dernier point constitue un signal fort pour Wall Street : Donald Trump se moque d’une forte chute des marchés.
Mais c’est à mon avis un coup de billard à 3 bandes : en s’attaquant sans ménagement à la Chine, il conforte sa base électorale, il fait corriger des marchés déjà très surachetés… et si la correction prend l’allure d’un sell-off ou d’une mini-panique, cela met la pression sur la Fed et contraindra Jerome Powell à enfin baisser fortement les taux.
Mais c’est un jeu très dangereux, car la guerre commerciale aura des conséquences planétaires avec des effets de “second tour” très pénalisants pour les Etats-Unis.
Pour prendre immédiatement la mesure de ce caractère planétaire, il suffit d’évoquer le pétrole, qui dévisse de 7% vers 54,5$, sa plus forte baisse intraday de l’année 2019.