La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) a abondé il y a quelques jours une ligne obligataire libellée en livre turque. Le coupon à l’affiche reflète les tensions qui ont affecté la devise récemment.
Libellée par coupures de 1.000 livres turques (+/- 144 euros), la nouvelle tranche porte sur un montant de 350 millions (+/- 50.435.000 euros) à rembourser au plus tard le 11 septembre 2020. Son coupon actuel est de 27,50%, ce qui permet à l’investisseur de tabler sur un rendement de 29,50% sur base d’un prix d’achat de 97,09% du nominal, si l’on se réfère aux derniers prix disponibles sur le marché secondaire.
La rémunération stratosphérique contraste avec le rating « Aaa » accordé par Moody’s à l’emprunt et à la BERD, un émetteur supranational qui bénéficie des meilleures notes de crédit possible auprès des trois grandes agences. Le rendement de près de 30% reflète donc pour l’essentiel le risque lié à l’évolution de la monnaie turque (ou risque ‘devise’).
Déjà en situation de faiblesse depuis plusieurs mois, la livre turque a brutalement chuté en août dernier, en réaction à l’intensification des tensions diplomatiques entre Ankara et Washington. Le chef de l’Etat, Recep Tayyip Erdogan s’est lancé dans un bras de fer avec la première puissance économique mondiale, faisant de la monnaie turque la première victime.
Les marchés ont dû attendre la mi-septembre pour voir la Banque centrale de Turquie prendre des mesures fortes pour soutenir la livre, et tenter au passage de réguler l’inflation galopante, défiant par la même occasion le Président Erdogan, farouche opposant à une hausse des taux d’intérêt.
En juillet, le refus de l’institution monétaire de relever ses taux d’intérêt avait plongé les marchés dans l’inquiétude, ceux-ci craignant pour l’indépendance de la Banque centrale.
Les mesures prises le 14 septembre, notamment celle de relever de manière drastique de 17,75% à 24% le principal taux directeur, a rassuré quelque peu. La livre turque affiche encore un bilan franchement négatif face à l’euro ou au dollar depuis le début de l’année, avec un plongeon de l'ordre de 35% et 37% respectivement.
La Turquie n’est pas tirée d’affaire pour autant. Selon le ministre turc des Finances Berat Albayrak, gendre d’Erdogan, la croissance du produit intérieur brut sera de 3,8% cette année et de 2,3% en 2019, une forte baisse par rapport à 2017 (7,4%). Quant à l’inflation, elle devrait atteindre 20,8% cette année et 15,9% en 2019, du jamais vu depuis l'arrivée de Recep Tayyip Erdogan au pouvoir en 2003.