La Turquie a levé il y a quelques jours sur le marché international de la dette deux milliards d’euros au détour d’un emprunt à rembourser en 2030, assorti d’un coupon de 5,875% et qui évolue sous le pair dans les premiers échanges sur le secondaire.
"Nous avons réussi l'émission d’obligations en euro la plus élevée de l'histoire de notre pays", s’est réjoui le ministre des finances Mehmet Şimşek sur X (ancien Twitter (NYSE:TWTR)).
"Il s’agit aussi de l’émission en euro réalisée avec le spread le plus bas depuis 2017", a ajouté le grand argentier, selon qui la réussite de l'opération est une indication claire de la confiance des investisseurs internationaux dans notre pays et de leur foi en notre programme".
Alors que le mois dernier, la Turquie avait déjà placé un emprunt en dollar à dix ans, trois fois sursouscrit, cette nouvelle émission porte à l’équivalent de 5,2 milliards de dollars le total des emprunts effectués sur les marchés internationaux par la République cette année.
En ce qui concerne les détails de l’obligation fraîchement émise, elle est assortie d’un taux de 5,875% et a été émise sous le pair à 98,70% du nominal, soit peu ou prou son cours actuel.
Nécessitant une mise de fond conséquente de 100.000 euros en nominal, l'obligation a été sursouscrite cinq fois, avec une offre ventilée en 300 comptes, selon le ministère.
Ce dernier souligne que 42% de l’émission ont été souscrits par des investisseurs au Royaume-Uni et en Irlande, 21% dans d'autres pays européens, 15% aux États-Unis, 13% au Moyen-Orient, 5% en Turquie et 4% dans d'autres pays.
Une croissance économique de 4,5%
Cet appel aux marchés intervient dans un contexte où le pays de plus de 80 millions d’habitants continue de faire face à une hyper-inflation, qui selon les économistes du centre de recherche indépendant Enag, aurait atteint 122% sur un an en février, soit bien davantage que les données officielles.
Et pourtant, la Banque centrale turque a procédé à huit hausses consécutives de ses taux depuis le mois de juin, lesquels atteignent désormais… 45%.
Une nouvelle hausse pourrait intervenir après le scrutin municipal du 31 mars prochain, et qui selon le principal intéressé, serait le dernier pour Recep Tayyip Erdogan en tant que président, dont le Parti AKP espère récupérer les grandes villes du pays dont Istanbul, tombée aux mains de l'opposition il y a cinq ans.
En ce qui concerne l’activité économique du pays, 2023 s’est traduit par une croissance de 4,5 pour cent, supérieure aux attentes, et découlant notamment de la consommation des ménages qui compte pour près de 60% du PIB, avec une mention spéciale au secteur financier et des assurances et de la construction, ce dernier ayant surfé sur la reconstruction des régions touchées par le tremblement de terre de février 2023.
Selon Deniz Unal, économiste au Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii), “la croissance turque est toutefois appauvrissante dans le contexte actuel d'hyper-inflation, croissance qui profiterait surtout aux grandes entreprises domestiques ainsi qu'à l'entourage du pouvoir, et ce alors que les salaires des travailleurs n'augmentent pas en conséquence, provoquant une paupérisation des classes moyennes et populaires”, a -t-il noté dans les colonnes des Echos.
"Mais quand on regarde la Turquie dans le contexte mondial, force est de constater qu'elle s'en sort mieux que d'autres pays émergents. Même si la plupart de ses habitants ont un niveau de vie qui n'est pas satisfaisant, à l'échelle mondiale, c'est une économie qui tire son épingle du jeu", estime-t-il.