Comme chacun s’y attendait, la BCE a abaissé le taux « refi » de 25 pb à 0,50 % et maintenu le taux de rémunération de la facilité des dépôts (DFR) à 0 %. Le « corridor » a été ramené à +/- 50 pb. Cependant, la faiblesse de l’activité aurait justifié des mesures plus audacieuses telle une baisse d’au moins 50 pb.
Comme le montrent les données récentes, la zone euro n’est toujours pas en voie de guérison. L’activité n’a cessé de se contracter au cours du T1 2013, et les premiers résultats des enquêtes pour le T2 montrent que la confiance continue de se dégrader. Les niveaux des indicateurs avancés sont assez faibles au regard des normes historiques, de sorte qu’un retour à la croissance à court terme semble peu probable. Plus inquiétant encore, l’Allemagne, locomotive de la zone euro, donne des signes d’essoufflement. La demande reste fragilisée par les effets d’ajustement budgétaire et la hausse continue du chômage. Le repli de l’activité dans les pays périphériques et l’atonie de la croissance dans les pays du cœur font peser des risques à la baisse sur les prévisions de la BCE (qui table sur le retour de la croissance en zone euro au second semestre).
L’inflation se situe bien en deçà du plafond fixé à 2 %. En avril, elle a reculé à 1,2 % contre 1,7 % en mars et 2 % au début de l’année. Les prix de l’énergie et des changements de méthodologie ont joué un rôle, mais la faiblesse de la conjoncture est un facteur déterminant. L’inflation pourrait rebondir à terme, mais elle reste pour le moment orientée à la baisse. D’après ses dernières projections (publiées début mars), la BCE prévoit une inflation à 1,3 % en 2014 et les risques à la baisse entourant ce scénario ont certainement augmenté.
Le plancher a-t-il été atteint ?
Dans ces conditions, la BCE n’a pas hésité à abaisser de 25 pb son taux « refi » et le Conseil des gouverneurs ne semble pas exclure de nouvelles actions. En effet, si le Conseil a largement penché en faveur de 25 pb, la question d’une baisse plus importante a probablement été envisagée. Le président Draghi a, par ailleurs, réaffirmé que « la BCE était prête à agir », laissant penser que le taux « refi », désormais ramené à 0,50 %, n’avait pas atteint son niveau plancher.
Qui seront les grands bénéficiaires de la baisse ?
Une baisse du taux « refi », laissant le DFR inchangé, aura un effet marginal sur les taux du marché. En effet, le DFR, dans le cadre de la procédure actuelle d’allocation illimitée à taux fixe, est devenu le principal indicateur de l’orientation de la politique monétaire. Le taux Eonia est actuellement proche du DFR, et donc de zéro. Toutefois, les banques qui continuent de dépendre dans une large mesure des liquidités de la BCE, et notamment celles des pays périphériques, bénéficieront, grâce à la baisse du taux « refi » de l’assouplissement des conditions de financement. La BCE est allée encore plus loin sur ce plan, en s’engageant à maintenir la structure actuelle pour toutes ses opérations de refinancement au moins jusqu’à la fin du T2 2014. La BCE entend ainsi remédier aux problèmes de liquidité du secteur bancaire. Elle étudie également de nouvelles initiatives portant sur des ABS garantis par des prêts aux sociétés non financières et sur la manière d’intervenir sur ce marché pour stimuler la croissance du crédit.
Cette mesure permettra-t-elle de relancer le crédit ?
Cependant, la demande insuffisante de crédit et le risque de défaut des contreparties ne sont pas étrangers à la médiocrité des statistiques du crédit, notamment dans la périphérie. Comme il fallait s’y attendre, les volumes de prêts non performants sont étroitement corrélés aux variables économiques. Plus une économie est en difficulté, plus les prêts douteux sont élevés.
Quel type de mesures adopter ?
La BCE n’est pas à court de munitions pour stimuler la demande. Des achats fermes de titres de dette souveraine pourraient induire le choc positif dont l’économie a besoin et faire sortir la zone euro de cette situation d’atonie de l’activité et de désinflation dans laquelle elle est engluée. Une réduction notable des taux d’intérêt toutes échéances confondues stimulerait la confiance, relancerait la demande de crédit et, in fine, l’activité. Cependant, pour des raisons politiques ou liées au risque d’aléa moral, cette solution semble très improbable pour le moment. La BCE recourra plutôt à d’autres instruments. Elle pourrait ainsi abaisser encore le taux « refi » et s’engager, à l’instar d’autres banques centrales, à maintenir ce taux inchangé pendant un certain temps (« forward-guidance »). Cela aurait pour effet d’abaisser les anticipations de taux d’intérêt ainsi que le taux de change effectif de l’euro.
La BCE pourrait également ramener le DFR à un niveau négatif, une mesure qui aurait une incidence plus marquée sur les taux du marché. M. Draghi a indiqué que la Banque était « techniquement prête » à le faire. Un taux négatif pour le DFR aurait un effet favorable du fait de la baisse des taux du marché (niveau potentiellement négatif pour l’Eonia) et du taux de change. Une telle mesure présenterait aussi, néanmoins, des inconvénients, principalement liés à l’alourdissement des coûts pour le secteur bancaire et à une réduction potentielle des excédents de liquidité sur le marché monétaire, pouvant entraîner un resserrement des conditions financières. Pour le moment, les inconvénients l’emportent sur les avantages mais, dans les mois à venir, la situation pourrait bien changer.
Il convient de souligner que la création d’une union bancaire sous une forme appropriée pourrait redonner confiance dans ce secteur, en favorisant la recapitalisation des établissements de crédit en situation de faiblesse. Elle contribuerait aussi dans une large mesure à remédier aux dysfonctionnements des marchés et à améliorer la capacité des banques à absorber les risques. Enfin, si ce projet voyait le jour, la BCE, qui semble peu encline à s’engager dans une nouvelle politique, aurait moins besoin d’adopter de nouvelles mesures non conventionnelles.