Robert OPHELE
Sous-gouverneur de la Banque de France
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Paris, le 6 décembre 2012
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
C’est un grand plaisir pour moi d’être présent parmi vous pour ouvrir cette 14ème Journée du livre d’Économie ; la participation de la Banque de France marque notre volonté et notre engagement à contribuer à diffuser la culture économique et financière auprès de nos concitoyens en général et des jeunes en particulier.
Le thème de cette Journée, c’est la compétitivité de l’économie française. Je ne vais pas vous en parler directement car je ne veux pas anticiper sur les formidables panels que nous avons ce matin ; je vais vous parler du déficit de connaissance des Français en économie.Les Français passent pour n’avoir que de très vagues notions d’économie et un prix Nobel d’économie, Edmund Phelps, en aurait conclu qu’en relevant le niveau de culture économique des Français le potentiel de croissance de notre économie serait accru significativement, de 1 %. De fait, dans le cadre d’un sondage récent sur les Français et l’économie, réalisé par TNS-SOFRES pour la Banque de France, nous avons 2 demandé « Comment jugeriez-vous le niveau de connaissance des Français en économie ? ». Réponse : seuls 7 % de nos concitoyens le jugent bon, 59 %
moyen, 32 % faible ou très faible. Du même sondage il ressort d’ailleurs que 60 % des Français considèrent que l’information économique n’est pas compréhensible.
Ce niveau médiocre résulte cependant d’une auto-évaluation et on connait la tendance naturelle à l’auto-flagellation dans ce type d’exercice ;
j’observe d’ailleurs que l’insatisfaction augmente avec le niveau d’étude des sondés : si globalement 32 % considèrent que leur niveau de connaissance est faible ou très faible ce taux monte à 44 % pour les diplômés de l’enseignement supérieur. C’est bon signe ; en fait, plus on apprend, plus on réalise qu’on sait peu de choses.
Gardons-nous donc de conclure trop vite et de surestimer nos lacunes. Mais prenons en conscience. Le CODICE (Conseil par la diffusion de
la culture économique) avait réalisé en 2010 un quizz qui comportait des questions de raisonnement, de connaissances et d’économie pratique. La note moyenne obtenue était de 8,3/20 et le taux moyen des réponses justes était de 41% ; pour les diplômés de l’enseignement supérieur la note moyenne ne montait qu’à 9,8/20. De façon plus prosaïque, à la Banque de France, nous recevons plus de 200 000 dossiers de surendettement par an et dans de nombreux cas on relève une méconnaissance des mécanismes financiers de base, utiles à la gestion d’un budget familial, et qui auraient certainement réduit l’ampleur des problèmes rencontrés.
Cette lacune en économie, qui résulte probablement d’une multitude de raisons sociologiques, philosophiques ou même religieuses, se conjugue en fait avec une méfiance quasi congénitale des français envers leurs concitoyens, les pouvoirs publics et les marchés ; cela a été excellemment mis en lumière par un livre très stimulant primé ici il y a quelques années (« La Société de défiance, comment le modèle social français s’autodétruit » de Yann Algan et Pierre Cahuc) - je vous recommande vraiment la lecture de ce 3 livre qui est court, simple et très éclairant - ; il en résulte des conséquences que je crois désastreuses pour notre croissance économique car cela constitue un formidable frein à la mise en œuvre des réformes ; c’est la société bloquée pour reprendre l’expression popularisée par Crozier en son temps mais trouvée il y a 50 ans par un chercheur américain pour caractériser la France. On n’accepte pas les réformes dont on ne comprend pas l’utilité économique et qui sont proposées par des gens ou des institutions en qui on n’a pas confiance.
Or ces réformes, la crise – crise financière et crise économique - nous rappelle cruellement leur caractère indispensable. Cette crise a été causée par des excès et des dérives dans le monde de la banque et de la finance. Nous faisons en sorte que cela ne recommence pas. C’est pourquoi, avec le gouvernement et avec nos homologues étrangers, nous travaillons à réformer et renforcer la réglementation et le contrôle des activités financières. Mais nous avons aussi besoin de la « bonne » finance, celle qui permet de créer, d’entreprendre, d’acquérir son logement, de s’assurer contre les risques de la vie, de financer les entreprises C’est aussi notre métier, à la Banque de France, de veiller à cet équilibre.
Notre pays a traversé une crise, sans précédent, il apparaît indispensable dans ce contexte de faire œuvre de pédagogie et de donner
aux Français une véritable culture économique et financière ; pour que les réformes nécessaires à notre sursaut de compétitivité puissent être mises en œuvre de manière efficace et sereine il faut qu’elles soient pleinement comprises et acceptées par les agents économiques.
Je ne sais pas si Phelps avait raison lorsqu’il affirmait qu’en relevant le niveau de culture économique des Français le potentiel de croissance de
l’économie se serait accru de 1 %, mais il est clair que le capital humain explique une partie importante de la croissance. Ce sont les économies où les agents sont les mieux formés qui font partie des économies les plus compétitives. La relation entre éducation et croissance économique est bien établie. Un niveau élevé d’éducation permet aussi de s’adapter plus facilement 4aux nouvelles technologies et d’innover et l’innovation c’est une clef de la compétitivité de demain.
S’intéresser à l’économie, lire l’économie, c’est se donner des clefs pour mieux comprendre l’environnement incertain dans lequel nous vivons, pour mieux analyser les tendances du monde contemporain, les risques et les opportunités. Cela vous permettra comme individu mais aussi comme citoyen français et européen d’être mieux préparés pour faire face aux défis de la compétition économique mondiale.
Vous voyez ce qui vous reste à faire ! Je vous souhaite donc des débats stimulants et des lectures enrichissantes !
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