La chancelière allemande Angela Merkel s'est en personne déplacée vendredi à Florence pour apporter son soutien à l'engagement du chef du gouvernement italien Matteo Renzi à mettre "le turbo" dans les réformes après l'annonce des rachats massifs de dettes par la Banque centrale européenne (BCE).
Malgré leurs désaccords de fond sur la décision historique de la BCE, les deux dirigeants ont assuré avoir trouvé de nombreux terrains d'entente, en particulier sur le fait que cette injection de centaines de milliards d'euros ne pourrait pas à elle seule sortir la zone euro de la crise.
Signe de leurs divergences, s'exprimant au pied de l'imposant "David" de Michel-Ange, M. Renzi a qualifié l'initiative de la BCE d'élément clé d'une réorientation plus large de la politique économique européenne vers des mesures de soutien de la croissance et de l'emploi, tandis que Mme Merkel s'est refusée à tout commentaire au nom de l'indépendance de la BCE, dont la décision est perçue en Allemagne comme un recours périlleux et inflationniste à la "planche à billets".
Juste avant l'annonce de jeudi, Mme Merkel s'était inquiétée que cette opération de rachat massif de dettes des Etats, dont celle de l'Italie, n'incite les gouvernements à relâcher leurs efforts en matière de réduction des déficits publics.
Et vendredi, elle a rappelé à son hôte italien que les entreprises étaient les premières responsables des créations d'emplois : "Aucune banque centrale au monde ne peut remplacer la mise en place de politiques correctes".
Pour M. Renzi, les rachats massifs de dettes s'ajoutent à une certaine tolérance de la Commission européenne dans l'interprétation des règles budgétaires pour les Etats membres, au plan d'investissement de 300 milliards d'euros mis en oeuvre par Bruxelles et à l'ajustement à la baisse en cours de l'euro par rapport au dollar, qui augmente la compétitivité des produits européens à l'international.
"Ces quatre facteurs sont très importants pour l'Italie", a insisté M. Renzi. "Mais ce qui a été fait ne signifie pas que nous pouvons lever le pied sur nos réformes. Je veux y mettre le turbo".
- "Aucun doute" -
La chancelière allemande s'est dit confiante dans la capacité de M. Renzi à mener à bien son "ambitieux" programme qui comprend une réforme électorale et constitutionnelle, une refonte du marché du travail, une révision du système judiciaire et une chasse à l'évasion fiscale et à la bureaucratie.
"Je n'ai certainement pas l'impression que la décision de la BCE va ralentir le processus de réformes en Italie. Je n'ai aucun doute sur le fait que ce que Matteo propose va être mis en place", a assuré Mme Merkel, ajoutant que les entreprises allemandes implantées en Italie partageaient son optimisme.
La chancelière allemande, qui à 60 ans en est à son troisième mandat, a aussi révélé que M. Renzi, de 20 ans son cadet et au pouvoir depuis moins d'un an, lui présentait à chacune de leurs rencontres un livret détaillant l'état d'avancement de son programme de réformes.
Tout en cherchant à jouer au bon élève, le chef du gouvernement italien n'avait cependant pas choisi par hasard Florence pour recevoir son hôte, avec un dîner de gala jeudi au Palazzo Vecchio et cette conférence de presse au coeur de la Galleria dell'Academia.
Ces sites prestigieux de la perle de la Renaissance étaient destinés à la fois à faire plaisir à une hôte de marque mais aussi à lui rappeler le rôle pivot de l'Italie dans la création de l'Europe moderne et son droit à prendre part aux décisions sur sa direction.
"Nous pouvons ne pas avoir toujours le même avis sur les questions économiques mais les symboles de compromis sont importants", a déclaré M. Renzi.
Cette confiance dans l'avenir s'est exprimée également à propos de la Grèce, où les élections législatives de dimanche pourraient porter au pouvoir le parti de gauche radicale Syriza, hostile à la politique d'austérité imposée par l'UE.
Les deux dirigeants ont insisté sur le droit des Grecs à choisir leur destin et ont assuré ne pas être inquiets. "Je suis sûre que nous trouverons une solution", a insisté Mme Merkel, souhaitant que la Grèce "continue à faire partie" de l'histoire européenne.