La suppression de 300.000 à 500.000 fonctionnaires préconisée par les deux finalistes à la primaire de la droite risque de dégrader fortement le service public, avec la disparition de pans entiers de ses missions, craignent ses défenseurs.
Car qui dit fonctionnaires, dit pompiers, médecins, infirmiers, policiers, techniciens, ingénieurs, éboueurs, enseignants... 5,4 millions de professionnels au service de l'intérêt général, recrutés sur concours dans leur très grande majorité, représentant environ 20% de l'emploi en France.
En cas d'attentat, de catastrophe naturelle, faudra-t-il payer de sa poche pour être secouru, s'interroge l'union Solidaires de la fonction publique? 235 euros l'heure pour une intervention de premier secours, 700 euros pour trois ou quatre pompiers et un médecin, tandis qu'une seule journée d'hospitalisation - hors prestations médicales - coûte 781 euros, selon l'OCDE.
Les salaires et pensions des agents de l'Etat, des collectivités territoriales et des hôpitaux publics, les trois versants de la fonction publique, représentent un coût annuel de 220,1 milliards d'euros.
Au nom de la réduction de la dépense publique, François Fillon prévoit de supprimer 500.000 postes en cinq ans, Alain Juppé 300.000 hors éducation, police, justice et défense.
"C'est totalement démagogique !", s'insurge Annick Girardin, ministre de tutelle, qui avait ironisé en septembre en proposant "une journée sans fonctionnaires pour voir".
"Des missions entières seraient supprimées", prédit Jean-Marc Canon (CGT).
Les fonctionnaires sont "au coeur de la cohésion sociale", rappelle Mylène Jacquot (CFDT), en s'interrogeant sur l'efficacité, en cas d'attentat, de secours qui seraient confiés au privé.
Le professionnalisme des agents publics avait été unanimement salué au lendemain des attaques de 2015 et cité en exemple par la chancelière allemande Angela Merkel.
"On imagine mal un service des impôts géré par une entreprise privée, tout comme le contrôle des centrales nucléaires", observe aussi Denis Turbet-Delof (Solidaires).
- Départs en retraite -
Pour parvenir à leur objectif, les candidats avancent deux leviers: le non-remplacement de départs à la retraite et 39 heures de travail hebdomadaires.
Le premier a déjà été mis en oeuvre durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy avec une réduction sans précédent dans la fonction publique d'Etat (FPE), de 150.000 postes, grâce notamment au non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux.
Depuis le début des années 2000, on compte environ 115.000 départs en retraite chaque année. Mais ce volume va s'infléchir dans les prochaines années dans la FPE et la FPH, selon la Cour des comptes, et pourrait encore chuter si l'âge légal de départ reculait à 65 ans, comme le souhaitent aussi MM. Fillon et Juppé.
Où supprimer des postes? Les deux finalistes de la primaire ne le précisent pas.
Depuis 2012, les effectifs sont quasi stables dans la FPE, qui compte 2,4 millions d'agents, dont plus d'un tiers d'enseignants, fin 2014 (- 0,3 % sur un an), avec un rééquilibrage au profit de l'Education et depuis les attentats, de la justice et de la police.
En revanche, le nombre d'agents territoriaux (FPT) continue d'augmenter (+ 0,8%) à 1,9 million, ainsi que celui de la fonction publique hospitalière (FPH) (+ 0,7%) à 1,2 million.
Mais alléger les effectifs de la FPT supposerait un changement de la Constitution, les collectivités territoriales étant librement administrées.
Reste l'augmentation du temps de travail des fonctionnaires, qui aurait aussi un coût: "16 à 20 milliards d'euros pour 39 heures" (payées 39) et "8 à 10 milliards pour 37 heures", selon l'entourage de Mme Girardin.
"On ne peut pas supprimer un poste d'infirmière sous prétexte qu'une autre travaille deux heures de plus par semaine", ajoute cette source.
Plutôt que de se focaliser sur les effectifs, la ministre plaide pour une "modernisation" de la fonction publique qui doit "évoluer". Elle insiste sur le rôle "régulateur" et "protecteur" du statut, qui n'empêche pas "que les brebis galeuses soient radiées".
Des "règles doivent être rappelées", par exemple en matière de temps de travail, admet-elle, tout en soulignant que les fonctionnaires sont davantage concernés par le travail de nuit et le dimanche que les salariés du privé.