Le groupe français Bic, confronté à la prochaine suppression d'une taxe anti-dumping européenne sur les briquets chinois, a décidé de réduire ses investissements sur son unique site français de Redon (ouest), dont la quasi-totalité de la production est exportée.
"Nous allons revoir nos investissements. Comme nos ventes mondiales augmentent, nous allons augmenter nos capacités, y compris à Redon, mais pas autant que ce que nous avions prévu", a déclaré mardi à l'AFP François Bich, directeur général en charge de l'activité briquet.
Le groupe a fait savoir mardi que la Commission européenne lui avait confirmé avoir recommandé de ne pas ouvrir de procédure de renouvellement de la taxe anti-dumping sur les briquets à pierre d'origine chinoise.
Les Etats membres doivent désormais rendre un avis consultatif, et la décision doit être prise le 12 décembre, selon une source européenne, qui a expliqué que l'UE estime que l'ouverture du marché ne causerait pas de dommage à l'industrie européenne.
Cette taxe destinée à empêcher l'entrée des briquets chinois sur le marché européen est en place depuis 21 ans. D'un montant de 6,5 centimes d'euros, elle se traduit par le doublement du prix des briquets chinois.
"Nous sommes déçus et nous ne comprenons pas. (...) On fait un cadeau aux tricheurs au moment où cette taxe allait devenir efficace", a relevé M. Bich, faisant référence à la quatrième procédure engagée pour contournement qui aurait mis un terme aux "artifices" de contournement.
"La Commission européenne incite à la délocalisation"
Après Taiwan, la Malaisie et l'Indonésie, une procédure a en effet été lancée en mars pour étendre cette taxe aux briquets "made in Vietnam" en les requalifiant de produits chinois. Ces pays étaient utilisés "via de fausses déclarations" pour contourner la taxe.
Selon M. Bich, le manque-à-gagner pour le groupe français représente 100 à 150 millions de briquets par an en Europe. "Si vous supprimez une opportunité de vente, ce n'est pas la peine de mettre un outil de production plus important", a-t-il expliqué.
"La Commission européenne incite à la délocalisation", a-t-il regretté.
Bic avait déjà menacé mi-novembre de réexaminer des investissements de plusieurs dizaines de millions d'euros pour augmenter ses capacités de production, prévus en grande partie à Redon, si la taxe n'était pas maintenue.
L'usine de Redon produit environ 650 millions de briquets par an --sur le milliard fabriqué par le groupe Bic dans quatre usines dans le monde--, dont 95% sont exportés (30% en Europe et 65% en dehors). Elle emploie 300 personnes.
"Il n'y a pas de menace sur l'emploi", a assuré M. Bich. "Mais s'il fallait faire 150 millions de briquets en plus, ça représenterait des embauches", a-t-il relevé.
Le groupe français, concepteur du briquet de poche, a réalisé un chiffre d'affaires de 1,82 milliard d'euros l'an dernier, dont 28% ont été générés par la vente de briquets. Moins de 15% de cette part a été réalisée en Europe.
Il déplore un taux de rentabilité et une part de marché qui sont moitié moindres en Europe que dans d'autres pays. Aux Etats-Unis, sa part de marché est de 60% (autour de 30% en Europe), où les droits de douane sont plus élevés et les normes de sécurité sont strictement respectées.
Une étude menée par l'ONG Prosafe pour le compte de la Commission a évalué à 76% la part des briquets importés en Europe qui ne respectent pas les normes européennes en vigueur, notamment à l'égard des enfants.
Le marché mondial des briquets représente 3,1 milliards d'euros pour 11 milliards de briquets vendus.