par William Schomberg et David Milliken
LONDRES (Reuters) - La Banque d'Angleterre (BoE) a prévenu jeudi qu'il lui faudrait probablement relever les taux d'intérêt plus tôt et plus fortement qu'elle ne le pensait il y a trois mois en raison de l'amélioration des perspectives économiques de la Grande-Bretagne dans un contexte international porteur.
Comme s'y attendaient les économistes interrogés par Reuters, les neuf membres du Comité de politique monétaire (MPC) de la BoE se sont prononcés à l'unanimité pour le maintien du taux d'intervention à 0,5%, afin de se laisser le temps d'évaluer l'impact de l'approche du Brexit sur l'économie britannique.
Mais le gouverneur Mark Carney et ses collègues ont dit vouloir ramener l'inflation vers leur objectif de 2% à un horizon "plus conventionnel", autrement dit sur une période de deux ans et non plus de trois ans.
"L'inflation devrait rester proche de ses niveaux actuels à court terme, légèrement au-dessus des projections faites il y a trois mois, ce qui est en grande partie la conséquence de la récente hausse des cours du pétrole", a dit Mark Carney au cours d'une conférence de presse.
"Il est possible que l'inflation remonte provisoirement au-dessus de 3% à court terme", a-t-il ajouté.
Les marchés financiers ont vivement réagi : la livre sterling a bondi contre le dollar et l'euro, le rendement des "gilts" à dix ans a grimpé sur le marché des emprunts d'Etat tandis que la Bourse de Londres a creusé ses pertes.
Les contrats à terme sur les taux indiquent désormais une probabilité de plus de 50% de relèvement des taux en mai, une hausse étant jugée acquise d'ici août.
"Ce n'est pas une surprise de voir que les taux d'intérêt sont laissés en l'état ce mois-ci. Mais il est toujours probable que nous assisterons à au moins un relèvement d'un quart de point en 2018 et peut-être à deux ou trois", a commenté Andrew Sentance, conseiller économique de PwC et ancien membre du comité de politique monétaire de la BoE.
Le relèvement de taux effectué en novembre dernier était le premier en plus de 10 ans de la part de la BoE, qui anticipait alors deux hausses supplémentaires sur les trois années suivantes.
PRÉVISIONS DE CROISSANCE RELEVÉES
La Banque d'Angleterre a musclé son discours jeudi pour avertir que la prochaine hausse pourrait finalement devoir intervenir plus tôt que prévu.
"Si l'économie venait à évoluer conformément aux projections du rapport de février sur l'inflation, la politique monétaire devrait être resserrée un peu plus tôt et plus fortement sur la période prévue par rapport à ce qui était anticipé au moment du rapport de novembre", lit-on dans le communiqué de politique monétaire.
L'économie britannique a ralenti depuis le vote du 23 juin 2016 en faveur d'une sortie de l'Union européenne, censée intervenir en mars 2019, mais elle a mieux résisté que ne le pensaient de nombreux investisseurs au moment de ce référendum, en grande partie en raison du dynamisme de partenaires commerciaux comme les Etats-Unis et l'Allemagne.
La BoE a noté que, avant son communiqué publié jeudi, les marchés financiers voyaient son taux d'intervention à 1,2%début 2021, ce qui impliquerait deux ou trois hausses de taux d'ici là.
Un tel scénario signifierait cependant que l'inflation resterait au-dessus de son objectif de 2% d'ici trois ans, a ajouté la BoE, indiquant par là qu'elle pourrait relever ses taux plus fortement que ne le pensaient les investisseurs encore récemment.
Pour Peter Dixon, économiste chez Commerzbank (DE:CBKG), la Banque d'Angleterre a certes prévenu les marchés financiers qu'elle pourrait devoir agir plus énergiquement sur les taux mais cela ne signifie pas encore qu'elle le fera. "Nous n'avons pas encore vu d'éléments concrets venant soutenir l'idée selon laquelle nous avons besoin d'un resserrement plus agressif que ce que nous pensions il y a trois mois", dit-il.
La BoE a aussi relevé ses prévisions de croissance économique pour la Grande-Bretagne, qu'elle voit à 1,75% en moyenne annuelle sur les trois prochaines années. Ce niveau est nettement inférieur à la croissance mondiale de près de 4% qu'elle prévoit sur la même période.
"Les perspectives économiques vont continuer à évoluer. Il y aura des hauts et des bas sur les marchés financiers. Le processus du Brexit connaîtra des rebondissements avant d'aboutir", a dit Mark Carney.
(Avec Andy BruceVéronique Tison, Marc Angrand et Bertrand Boucey pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)