La concurrence a encore gagné du terrain dans l'électricité et le gaz en France depuis l'ouverture du marché il y a tout juste dix ans, mais les deux ex-monopoles, EDF (PA:EDF) et Engie (PA:ENGIE), restent prépondérants, au grand dam de leurs concurrents.
"Le bilan reste extrêmement décevant", déplore Alain Bazot, président de l'association de consommateurs UFC-Que Choisir, alors qu'une majorité de Français reste fidèle aux deux poids lourds du secteur.
Les particuliers sont certes de plus en plus nombreux à se détourner des tarifs réglementés de vente (TRV) proposés par EDF (pour l'électricité) et Engie (pour le gaz), au profit d'offres de marché, commercialisées tant par ces opérateurs que les fournisseurs alternatifs.
Mais la marge de progression reste importante, dans un marché pourtant totalement ouvert à la concurrence depuis le 1er juillet 2007, où s'affrontent une trentaine de fournisseurs dans chacune des énergies.
Dans l'électricité, près de 4,88 millions de sites (soit 15,1%) sur un total de 32,1 millions avaient opté pour une offre commerciale à la fin mars, principalement chez Engie, selon un bilan trimestriel publié jeudi par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), le gendarme du secteur.
Dans le gaz, le marché est plus ouvert. Quelque 4,8 millions de sites résidentiels sur 10,6 millions (soit 47%) avaient choisi une offre à prix libres à la fin de l'année, dont 2,48 millions chez un fournisseur autre qu'Engie (ex-GDF Suez (PA:SEVI)).
"Dix ans après l'ouverture totale du marché, on a encore deux opérateurs historiques qui ont gardé plus de 75% de parts de marché pour Engie et plus de 85% pour EDF!", s'insurge Fabien Choné, directeur général délégué de Direct Energie (PA:DIREN), troisième acteur français.
C'est d'autant plus étonnant, selon lui, que les offres de marché sont généralement moins chères et que le changement de fournisseur se fait gratuitement, sans contrainte technique ni administrative.
- 'Comme une maman' -
"On ne quitte pas EDF, c'est un peu comme une maman, c'est le service public", constate Emmanuel Soulias, directeur général d'Enercoop, coopérative spécialisée dans l'électricité verte.
"Les particuliers restent dans une situation de sécurité en restant chez un opérateur historique ou une offre TRV de base, qui inspire confiance", abonde Charlotte de Lorgeril, du cabinet Sia Partners.
La méconnaissance du marché est pointée comme l'une des causes principales de cette situation. Selon le dernier baromètre annuel du Médiateur national de l'énergie, seule la moitié des Français connaît son droit à changer de fournisseur. Pire, 28% des consommateurs seulement distinguent Engie d'EDF, deux sociétés concurrentes.
"Globalement, l'architecture qui a été mise en place par la loi Nome (de 2010) assure que la concurrence peut se développer. On commence à en voir le fruit" mais "évidemment, quand on regarde le niveau des consommateurs sur le fonctionnement du marché, il y a forcément toujours du travail à faire", admet-on à la CRE.
Autre frein invoqué, la politisation des tarifs réglementés par l'Etat français qui, actionnaire d'Engie comme d'EDF, a été accusé à plusieurs reprises d'avoir voulu limiter leur hausse au nom du pouvoir d'achat, les rendant ainsi plus difficiles à concurrencer. Ou encore, au début de l'ouverture du marché, l'impossibilité pour les clients qui avaient quitté les TRV d'y retourner.
Pour les clients non résidentiels, les tarifs réglementés ont été supprimés pour les plus gros consommateurs, ce qui a donné un coup de fouet plus important à la concurrence.
En électricité, environ un tiers des 5 millions de sites, petits ou grands, étaient en offre commerciale à la fin mars, d'après la CRE. Quelque 18,6% du total étaient chez des concurrents d'EDF.
"Nous maintenons nos positions malgré l'élargissement de la concurrence. Ainsi, à l'occasion de la fin des tarifs réglementés jaunes et verts, nous avons fait mieux qu'espéré puisque nous avons conservé les trois quarts de nos clients alors que nous n'anticipions de n'en garder que les deux tiers", avait souligné le PDG du groupe, Jean-Bernard Lévy, en assemblée générale en mai.
Dans le gaz, 88,7% des 663.000 sites s'étaient détournés des tarifs réglementés, dont 40% chez des fournisseurs alternatifs.