Patronat et syndicats se lancent jeudi dans un premier tour de chauffe pour essayer de moderniser le dialogue social, une tâche qui s'annonce ardue, en raison de positions très antagonistes sur une éventuelle réforme des seuils sociaux.
Les trois organisations patronales (Medef, CGPME, UPA) et les cinq syndicats représentatifs (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC) ont rendez-vous à 15 heures au Medef pour une séance de négociations qui devrait déboucher sur un calendrier et une méthode de discussions.
En amont, les organisations patronales ont rédigé une forme de "lettre d'intention" qui sera lue par le chef de file de la délégation du Medef, Alexandre Saubot, un néophyte en matière de négociations à ce niveau, qui n'a pas encore 50 ans.
Ce document souligne qu'"en France, les relations sociales sont marquées, davantage que dans d'autres démocraties, par la défiance". En conséquence, l'entreprise est vue comme un lieu de "rapport de force" et il faut faire appel à la loi. Un état de fait qui a conduit à créer "un arsenal d'obligations" qui a "perverti" le dialogue social.
Pour le patronat, si la loi doit fixer le cadre général, "l'essentiel de la régulation sociale" devrait se faire au niveau de la branche ou de l'entreprise.
Avant le début formel des discussions, les débats se sont focalisés sur les seuils sociaux, ces niveaux d'effectifs qui déclenchent des obligations pour les employeurs (notamment à partir de 11 et 50 salariés pour la représentation des salariés).
Un sujet que le patronat s'est gardé de mentionner explicitement dans son document, mais qu'il entend bien mettre sur la table. Le patron du Medef Pierre Gattaz a fait miroiter 50.000 à 150.000 créations de postes possibles en revoyant ces seuils, un chiffrage qui laisse syndicats et économistes dubitatifs.
Les syndicats ont fait savoir d'emblée qu'il n'était pas question que les débats soient centrés sur ce sujet, la CGT et FO ayant même prévenu qu'elles étaient contre toute atteinte aux seuils.
- Arrêtez d'avoir peur des syndicats -
Alors que les chances d'un accord reposent sur les syndicats réformistes, le numéro un de la CFDT Laurent Berger, l'a redit jeudi: "ce n'est pas une négociation sur les seuils".
Le gouvernement, qui a appelé de ses voeux cette négociation, et compte sur un assouplissement des seuils pour "lever des verrous" à l'embauche, a prévenu de son côté qu'il légiférait en cas d'échec de la négociation qu'il, souhaite voir bouclée fin décembre.
Mais ce serait un coup dur pour le chef de l'Etat qui a fait du dialogue social son cheval de bataille et le gouvernement aurait du mal à faire passer un texte aussi peu consensuel, compte tenu de sa faible majorité à l'Assemblée.
Jeudi, le ministre du Travail François Rebsamen a souligné que "la balle est dans le camp des partenaires sociaux", à qui il "fait confiance".
Le début de rapprochement entre la CGT et la CFDT, illustré par une rencontre mercredi entre Thierry Lepaon et Laurent Berger n'est pas forcément de nature à rassurer le gouvernement.
Les deux syndicats ont trouvé un sujet d'accord: la nécessité d'une "représentation collective des salariés" dans les TPE (jusqu'à 10 salariés), alors qu'aujourd'hui aucune représentation n'est prévue.
A la CGPME (petites et moyennes entreprise), qui est opposée à une telle mesure, M. Berger répond: "Arrêtez d'avoir peur des syndicats!".
Pour Thierry Lepaon, l'absence de représentation dans les TPE est une "scandaleuse anomalie démocratique", dit-il dans une tribune dans Libération, où il dénonce un Medef et une CGPME "arc-boutés sur une vision archaïque de l'entreprise".
Le président de l'Association nationale des directeurs de ressources humaines (Andrh), Jean-Christophe Sciberras, relève de son côté auprès de l'AFP que cette question des TPE "est l'un des points de crispation, mais c'est aussi là que vont se trouver probablement les solutions".
Il reconnaît toutefois que "la négociation démarre un peu difficilement".
Partant eux aussi du constat d'une négociation "mal engagée", les députés UMP ont déposé une proposition de loi qui entend notamment ramener à trois le nombre de seuils, le premier devant se situer à 100 salariés (contre 11 actuellement). Une "coïncidence troublante" de calendrier pour M. Rebsamen.