par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Abdelkader Merah, frère et mauvais génie du tueur de militaires et d'enfants juifs Mohamed Merah, a été condamné jeudi en appel à 30 ans de réclusion criminelle pour complicité d'assassinats et association de malfaiteurs terroristes par une cour d'assises composée de magistrats professionnels.
Cette sanction, assortie d'une peine de sûreté des deux tiers, est alourdie de dix ans par rapport à la sentence prononcée en première instance, le 2 novembre 2017. Une décision notamment motivée par "les antécédents judiciaires d'Abelkader Merah, la fierté affichée dès le stade de la garde à vue pour les actes commis par son frère" et son "absence de repentir".
Pour la cour, "Abdelkader Merah a sciemment apporté aide ou assistance dans la préparation des crimes commis" par son cadet en mars 2012 - l'assassinat de trois militaires, trois écoliers juifs et le père de deux d'entre eux, à Toulouse et Montauban.
En première instance, l'ex-caïd de cité de 36 ans, converti depuis 2006 à un islam radical, avait été condamné à 20 ans de prison pour association de malfaiteurs terroriste mais relaxé de l'accusation de complicité. Le parquet général avait fait appel.
Tout au long de ce deuxième procès, commencé le 25 mars, accusation et parties civiles se sont efforcées de démontrer qu'Abdelkader Merah avait non seulement été le mentor de son cadet mais aussi le cerveau et le complice de ses actes.
Mohamed Merah, qui se réclamait d'Al Qaïda, a été abattu par la police au terme d'une équipée meurtrière qui a bouleversé la perception du terrorisme en France, trois ans avant les attentats de janvier et novembre 2015 à Paris et Saint-Denis.
Les actes de Mohamed Merah, "destinés à semer l'effroi dans la population, sont à l'origine d'un trouble exceptionnellement grave à l'ordre public", un trouble "toujours persistant" qui a affecté jusqu'à la communauté internationale "en instaurant un climat de peur et d'insécurité", a souligné la cour.
Le ministère public, qui avait requis la prison à perpétuité contre Abdelkader Merah, l'avait pour sa part jugé lié à son frère par "une communauté d'esprit de projets et d'action".
"INCOMPRÉHENSIBLE"
L'accusé a nié jusqu'au bout toute implication dans les assassinats de son frère et ses avocats ont défendu la thèse selon laquelle il n'avait fourni "aucune assistance" à des actes "dont il ignorait tout".
Son principal conseil, Eric Dupond-Moretti, a jugé "totalement incompréhensible" la sentence prononcée jeudi et regretté que la cour n'ait pas retenue une peine "au bénéfice du doute", pour la seule association de malfaiteurs terroriste.
Abdelkader Merah peut encore se pourvoir en cassation.
En première instance, la cour avait retenu un faisceau d'indices prouvant selon elle sa participation à une association de malfaiteurs terroriste, comme la découverte chez lui d'un manuel du djihadiste, sa présence lors du vol du scooter utilisé par son frère ou auprès de lui avant et après chaque tuerie. Mais elle n'était pas allée jusqu'à retenir la complicité.
Pendant le procès en appel, accusation et parties civiles ont notamment insisté sur des imprécisions dans son emploi du temps ou l'enregistrement par Mohamed Merah de sa rencontre avec sa première victime, le soldat Imad Ibn-Ziaten, à qui le tueur prétendait acheter une moto.
Sur cet enregistrement effectué par Mohamed Merah avec une caméra GoPro, on entend Imad Ibn-Ziaten demander "C'est un pote à toi ?" et l'assassin répondre : "Ouais, c'est mon frère."
Si d'ex-enquêteurs ont maintenu que les investigations avaient écarté l'implication d'Abdelkader Merah, l'avocat de la famille Ibn-Ziaten, Me Francis Szpiner, a défendu l'idée que cet échange montrait qu'il était au moins en couverture.
Le second accusé, Fettah Malki, 36 ans, délinquant multirécidiviste de la cité toulousaine des Izards, a pour sa part été condamné à dix ans de prison pour avoir fourni à Mohamed Merah un pistolet mitrailleur et un gilet pare-balle.
Une peine allégée par rapport à sa condamnation à 14 ans de prison en première instance. La cour a estimé que les débats n'avaient pas permis d'établir qu'il avait pu avoir connaissance des projets terroristes de Mohamed Merah.
(Édité par Henri-Pierre André)