La reprise de l'emploi salarié en France, tirée principalement par l'intérim, a décéléré durant l'été, et sa poursuite est fragilisée par les incertitudes sur la croissance qui pourraient brider le reflux du chômage en 2011.
Sur fond de ralentissement de l'activité économique au troisième trimestre, la hausse de l'emploi s'est poursuivie dans les secteurs marchands, "mais elle est moins marquée qu'au deuxième trimestre", selon les données définitives, moins favorables que les provisoires, publiées par l'Insee jeudi.
Dans ces secteurs les plus sensibles à la conjoncture, il y a eu 19.200 créations nettes d'emploi (+0,1%), après deux trimestres plus dynamiques.
Durant les neuf premiers mois de l'année, la France a enregistré 74.400 emplois marchands supplémentaires, après une année 2009 marquée par une hémorragie jamais vue depuis l'après-Guerre, avec près de 334.000 destructions nettes de postes.
Mais, c'est l'intérim, et non l'emploi durable, qui est le principal moteur de cette reprise (+22.400 sur trois mois, +103.300 sur un an). Sans lui, les créations d'emploi seraient en léger déclin.
En panne quasi ininterrompue depuis 2001, l'industrie a vu ses effectifs diminuer encore (-16.600 au 3e trimestre) mais à un rythme atténué, comparé au pic de la crise. La construction, elle, s'est stabilisée tandis que les services ont continué à progresser, mais moins fortement.
Une tendance au ralentissement corroborée par Pôle emploi --dont les données sont basées sur les seules entreprises affiliées à l'assurance chômage (+20.200 emplois au 3e trimestre).
Pierre Ricordeau, directeur de l'Acoss, "banque de la Secu" qui mesure l'emploi en intégrant les très petites entreprises, constate "une tendance de reprise modérée mais continue de l'emploi, depuis plusieurs trimestres".
Pour Pôle emploi toutefois, "l'horizon reste incertain, les industriels demeurent prudents", cela "ne devrait pas permettre à l'emploi hors intérim de rebondir véritablement".
"Et la moindre vigueur de la croissance attendue en fin d'année devrait limiter les créations d'emplois dans les prochains mois", estime l'organisme chargé de placer et d'indemniser les chômeurs.
Du coup, Pôle emploi prévoit, pour l'ensemble de l'année 2010, "une poursuite de la hausse du chômage" et une progression du nombre des demandeurs d'emploi mais à un rythme "nettement atténué" comparé à 2009.
Le taux de chômage, selon l'Insee, est resté stable au troisième trimestre à 9,3% en métropole.
Pour 2011, Pôle emploi table sur une baisse du nombre des demandeurs d'emploi, mais reste incertain sur son ampleur compte tenu des "forts aléas" pesant sur l'économie et de l'impact des "réductions des déficits budgétaires".
Dans sa prévision médiane d'une croissance de 1,6%, il anticipe une baisse de 70.000 inscrits sur ses listes (y compris ceux en activité réduite). Cette baisse serait de 19.000 si la croissance décélérait à 1,2% et atteindrait 109.000 si elle accélérait à 2%, comme le prévoit le gouvernement.
"Nous sommes prudents, parce que la conjoncture est extrêmement difficile à maîtriser" notamment en raison de "l'influence des désordres monétaires qui pèsent sur l'Europe", selon le directeur général de Pôle emploi, Christian Charpy.
De son côté, le Centre d'analyse stratégique (CAS, ex-Commissariat au Plan), prévoyait dans une récente étude une "croissance faiblement créatrice d'emplois" à horizon 2010-2013 et jugeait des créations nettes d'emplois permanents "envisageables à partir de mi-2011", si "la reprise se maintient sur un rythme moyen, sans rechute significative".