Le géant des sites communautaires sur internet Facebook a annoncé lundi qu'il achetait un milliard de dollars l'application de photographie pour appareils mobiles Instagram, confirmant sa puissance financière avant même son entrée en Bourse.
Le fondateur de Facebook Mark Zuckerberg a lui-même fait part de la nouvelle sur sa page publique, précisant qu'il s'agissait d'une opération exceptionnelle: "C'est la première fois que Facebook fait l'acquisition d'une entreprise avec autant d'utilisateurs. Nous ne prévoyons pas d'en faire beaucoup d'autres de la sorte, s'il y en a d'autres".
Instagram permet de prendre des photos à un format carré, à l'image d'un vieux Polaroïd, d'y ajouter divers filtres ou effets spéciaux, et de les mettre en ligne sur divers réseaux sociaux.
Les chiffres de l'entreprise dont le siège est situé à San Francisco (Californie, ouest) sont impressionnants: en 551 jours, cette application a séduit plus de 30 millions d'utilisateurs inscrits, et 430.000 mobinautes étaient en liste d'attente pour l'utiliser sur un appareil sous Android, avant le lancement de la version adaptée la semaine dernière. Plus de 5 millions de clichés sont mis en ligne sur ce service chaque jour.
Enfin, avec un prix d'achat de 1 milliard de dollars obtenu en 551 jours d'existence publique, l'entreprise, qui ne semble pas générer de chiffre d'affaires puisque l'application est gratuite et n'offre pas de publicité, aura généré quelque 1,8 million de dollars par jour.
Pour autant, c'est encore une toute petite entreprise, à en croire son blog, qui ne cite que 14 employés.
Lors d'un entretien avec un journaliste de Forbes en décembre, le directeur général et cofondateur Kevin Systrom avait affiché ses ambitions, disant vouloir toucher 50 puis 150 millions d'utilisateurs.
Pour certains, comme l'investisseur Om Malik, cette ambition, et le formidable attachement des mobinautes à cette application, avaient de quoi inquiéter Facebook, qui était "blanc de peur" devant cette progression --même s'il compte de son côté plus de 850 millions d'utilisateurs dans le monde.
"Les photos sont l'application la plus utilisée sur Facebook, elles sont essentielles (...) et Facebook ne voulait pas perdre sa domination" dans ce domaine, a souligné pour sa part l'analyste spécialiste des médias sociaux Lou Kerner, sollicité par l'AFP. Il remarque que Facebook héberge "environ 5% de toutes les photos qui ont jamais été prises dans le monde depuis le début de l'histoire de la photographie".
"La valorisation est certes astronomique", a ajouté M. Kerner, mais l'implantation d'Instagram sur les appareils mobiles sera un atout majeur pour Facebook et devrait lui permettre de "monétiser le trafic internet mobile mieux que toute autre entreprise de médias mobiles, donc avec le temps la valorisation pourrait ne pas sembler tellement excessive".
Sans compter que M. Zuckerberg s'assure au passage qu'Instagram ne filera pas chez un de ses principaux concurrents comme Twitter ou Google.
L'analyste Rob Enderle a aussi noté qu'Instagram permettait à Facebook de se protéger contre l'essor du nouveau venu Pinterest, sorte de tableau d'affichage virtuel qui compte déjà plus de 13 millions d'amateurs.
"L'acquisition d'Instagram pourrait valoir des dizaines de milliards de dollars si elle permet à Facebook de garder l'avantage et de neutraliser Pinterest", a-t-il dit.
Enfin, à l'approche de l'entrée en Bourse que Facebook prépare pour les semaines ou mois qui viennent, une opération de cette envergure est une façon insolente d'afficher sa puissance, de dire qu'à son échelle "un milliard de dollars représente une somme modeste", ajoute M. Enderle.
Le montant que Facebook entend lever lors de son entrée en Bourse est estimé à près de 10 milliards de dollars, avec une valorisation totale du site attendue autour de 75 à 100 milliards de dollars.