En pleine préparation d'un budget 2013 déjà à haut risque, le gouvernement fait face à un dilemme: abaisser sa prévision de croissance, quitte à durcir encore sa cure de rigueur, ou faire fi des experts qui voient la France engluée dans la stagnation.
Dès sa prise de fonction, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait voulu se montrer prudent, en ramenant l'objectif de croissance à 0,3% pour cette année et 1,2% pour l'an prochain, contre 0,7% et 1,7% espérés par la précédente majorité de droite.
L'hypothèse était alors en ligne avec les attentes des institutions internationales. Mais depuis, les indicateurs ont viré au rouge et la zone euro n'est pas parvenue à s'extirper de sa crise.
Résultat: la France est entrée dans une phase de croissance zéro, avec trois trimestres consécutifs de stagnation depuis l'automne 2011. Et les prévisions des économistes sont petit à petit revues à la baisse.
Le Fonds monétaire international ne table plus que sur une progression de 0,8% de l'économie française en 2013. Quant à la prévision moyenne dressée par Consensus Forecast à partir d'une vingtaine d'instituts publics et privés, elle s'établit à seulement 0,5%, après 0,1% cette année.
Au sein du gouvernement, la ligne ne semble pas tout à fait définie. Une révision à la baisse n'est "pas d'actualité", a assuré mi-août le ministre de l'Economie et des Finances Pierre Moscovici.
Jean-Marc Ayrault s'est montré plus nuancé mercredi: "on s'adaptera en fonction de l'évolution", a déclaré le Premier ministre lors de sa rentrée politique, sans exclure un abaissement des prévisions.
Croit-il toujours au chiffre de 1,2%? "Je ne peux pas vous dire aujourd'hui. Ca ne se décrète pas, les hypothèses de croissance", a-t-il fait valoir, soulignant au passage que la France n'avait pas pour l'instant replongé en récession contrairement à ce que prédisait la Banque de France.
Le tour de vis budgétaire pèse sur la croissance
Le chef du gouvernement a réaffirmé l'engagement européen de la France: déficit public réduit de 4,5% du produit intérieur brut (PIB) cette année à 3% l'an prochain, y compris en cas de croissance plus faible que prévu.
Or, pour plusieurs économistes, c'est justement cet objectif qui risque de peser sur l'activité.
Frédérique Cerisier, de la banque BNP Paribas, relève ainsi que "les perspectives d'évolution de l'emploi (...) et de redressement des prélèvements obligatoires restent tout à fait défavorables" pour le pouvoir d'achat et donc la consommation des ménages.
Selon elle, "la capacité de résistance de l'économie française n'est certainement pas éternelle".
"La croissance est déjà très faible", prévient de son côté Jean-Christophe Caffet, de la banque Natixis. Du coup, explique-t-il, comme les recettes fiscales ne rentrent qu'au compte-gouttes en raison de cette activité atone, le gouvernement devra donner un tour de vis budgétaire très vigoureux pour atteindre ses objectifs financiers.
"S'il va chercher à tout prix les milliards qui manquent pour arriver à 3% de déficit en 2013, ça va peser encore plus sur la croissance", estime cet économiste, qui plaide pour un délai supplémentaire.
D'autant que le contexte international n'est pas porteur: toute la zone euro, ainsi que le Royaume-Uni, tentent au même moment d'assainir les finances publiques, et "cet effort budgétaire va commencer en 2013 aux Etats-Unis, après l'élection présidentielle de novembre", rappelle Jean-Christophe Caffet.
Parallèlement, les pays émergents sont en plein ralentissement. "On ne peut pas compter sur la demande des partenaires commerciaux de la France pour tirer notre croissance", prévient-il.