La stratégie du gouvernement britannique de miser sur le nucléaire a subi un revers jeudi avec le retrait des Allemands EON et RWE de projets en cours, alimentant les doutes sur l'avenir de la filière mais renforçant la position de groupes français en lice comme EDF.
EON et RWE ont annoncé dans un communiqué leur intention de se séparer de leur coentreprise britannique Horizon Nuclear Power, afin de concentrer leurs investissements sur les énergies renouvelables.
Horizon travaillait depuis trois ans sur deux projets de centrales, l'une au Pays de Galles et l'autre près de Bristol (sud-ouest) pour un investissement global estimé à 15 milliards de livres (près de 18 milliards d'euros).
Horizon a assuré être à la recherche d'un repreneur pour poursuivre le chantier. Mais la quête pourrait être difficile, la filière nucléaire subissant toujours le contre-coup de la catastrophe de Fukushima l'an dernier.
RWE a rappelé que "de nombreux facteurs avaient changé" depuis la création de la coentreprise, avec la crise économique qui freine les projets trop coûteux et surtout la volte-face de l'Allemagne sur le nucléaire ayant suivi l'accident japonais.
A l'inverse de Berlin, Londres a, comme Paris, réaffirmé son engagement en faveur du nucléaire et veut renouveler son parc vieillissant de dix centrales qui assurent près d'un cinquième de la production nationale d'électricité. Le gouvernement du Premier ministre David Cameron a désigné huit sites aptes à accueillir de nouvelles centrales, dont les deux choisis par Horizon.
Le secrétaire d'Etat britannique à l'Energie Charles Hendry a qualifié de "très décevante" la décision des entreprises allemandes de jeter l'éponge. Mais, a-t-il assuré, cet abandon "n'est pas lié à des doutes sur le rôle du nucléaire pour l'avenir énergétique du Royaume-Uni".
Gary Smith, l'un des dirigeants du syndicat GMB, a parlé de son côté d'un "coup dévastateur qui laisse en miettes la stratégie du gouvernement dans le domaine de l'énergie", en s'inquiétant avant tout des conséquences pour l'emploi.
Les défenseurs de l'environnement se sont au contraire réjouis de ce développement, qui met en évidence selon Greenpeace les doutes des investisseurs eux-mêmes sur "la viabilité économique" de nouvelles centrales nucléaires.
De fait, ce n'est pas la première défection parmi les candidats à la construction de nouvelles centrales dans le pays.
En septembre, Scottish and Southern Energy (SSE) s'est retiré du consortium NuGen, qui planche sur un projet à Sellafield (nord-ouest de l'Angleterre), en estimant lui aussi que ses ressources seraient "mieux employées" dans les énergies renouvelables.
Ses deux partenaires, le français GDF Suez et l'espagnol Iberdrola, avaient alors dû grimper chacun à 50% dans ce projet de centrale, qui pourrait être mise en service en 2023.
Deux autres groupes français, EDF et Areva, comptent eux aussi bénéficier du pactole annoncé, grâce à la construction d'une centrale abritant deux réacteurs de type EPR à Hinkley Point, dans le Somerset (sud-ouest). Mais EDF ne prendra que fin 2012 la décision finale d'investir, car il attend encore certains feux verts des autorités de sécurité.
EDF reste "focalisé sur son projet et rien n'a changé de ce point de vue", a réagi jeudi Vincent de Rivaz, le directeur général d'EDF Energy, sa filiale locale.
"Nous progressons sur tous les fronts en vue de prendre à la fin de l'année, comme prévu, la décision finale sur l'investissement dans les deux premiers réacteurs nucléaires de nouvelle génération à Hinkley Point", a-t-il ajouté.