À mesure que s'éloignent les rêves de prospérité minière pour le Groenland, une partie de sa jeunesse prend aussi le large, tentée par l'émigration au Danemark où les perspectives sont meilleures.
"Les gens viennent ici étudier et ensuite ils s'enracinent tellement bien que c'est difficile de revenir", explique Angunguak Egede, Groenlandais de 28 ans employé de la mairie de Copenhague.
Lui a fait le voyage vers le continent, à 4.000 km des lieux de son enfance, dès 2004, parce que "c'était tout simplement ce qu'il fallait faire".
Les villes danoises offrent la vie "rythmée" dont rêvent beaucoup de jeunes Groenlandais, alors que sur leur île, tout arrive lentement: la première piscine publique en 2003, cinq ans après la première bouteille de Coca Cola.
"Si on veut aller au cinéma à Nuuk, la capitale, il y a une seule possibilité", raconte le jeune homme. Quant aux formations de l'enseignement supérieur ou à l'emploi, "de manière générale il y a beaucoup plus de choix au Danemark".
Ces 25 dernières années le Groenland a connu une émigration nette de 500 personnes par an en moyenne, dont beaucoup de jeunes bien formés ou voués à l'être.
Ce territoire autonome de 55.000 habitants cumule les problèmes sociaux (chômage, santé, éducation), et l'un des plus inquiétants avait été révélé par une enquête de 2012: entre 16 et 18 ans, 62% des Groenlandais quittent l'école.
"Il ne doit faire aucun doute que nous voulons que nos jeunes reviennent au Groenland après s'être formés au Danemark ou ailleurs", explique à l'AFP le Premier ministre Kim Kielsen.
Des aides sont disponibles pour payer les emprunts étudiants après un retour au pays, et le Groenland assure sa promotion aux salons de l'emploi du Danemark.
Hélas le territoire en crée peu, handicapé par son éloignement, son manque d'infrastructures et la difficulté de faire décoller deux secteurs dans lesquels il voit son avenir, les mines et le tourisme.
- 'Pas d'avenir' -
Si un accord de 2009 autorise le Groenland à déclarer son indépendance quand il le veut, il lui faut d'abord trouver les ressources qui lui permettront de se passer d'une subvention annuelle de près de 500 millions d'euros de Copenhague.
Angunguak Egede, qui porte une griffe d'ours blanc en pendentif, voudrait revenir à un moment, mais ne sait pas quand ni pour faire quoi.
Il est de ceux que M. Kielsen espère convaincre en soulignant que le chômage (aux alentours de 10%, deux fois celui du Danemark) touche d'abord ceux qui n'ont pas de diplômes, alors que les compétences de ceux qui en ont un sont recherchées.
Admettant que si la faiblesse du prix des minerais persiste elle pourrait aggraver l'émigration, le Premier ministre affirme que "ce n'est pas actuellement ce à quoi on croit".
Torben Andersen, président du Conseil économique du Groenland, voit déjà "une composante de fuite des cerveaux". Les Groenlandais sont en effet les plus nombreux à partir pour une formation qui n'existe pas chez eux, puis pour un emploi.
"Les flux d'émigration reflètent le développement économique", souligne-t-il.
Thomas Johansen, 28 ans, qui est venu d'Ilulissat (ouest du Groenland) pour suivre des études d'ingénieur, estime que beaucoup ressentent "une certaine responsabilité pour rendre quelque chose au Groenland". Mais "il y a de meilleures opportunités à l'étranger".
"C'est un problème. Je pense qu'il y a une fuite des cerveaux", concède-t-il.
Naja Motzfeldt, qui à 28 ans étudie le management, prévoit de revenir à Qaqortoq (sud), ville de 3.200 habitants. "Je connais quelques personnes qui prévoient de rester ici. Il ne se voient pas d'avenir en revenant au Groenland", regrette-t-elle.
Autant que l'emploi, c'est le mode de vie continental qui les retient, le Groenland semblant "tout petit" vu de loin.
"Tout le monde connaît tout le monde et les rumeurs se répandent vite. Les choses peuvent aussi être un peu ennuyeuses, on ne peut pas conduire d'une ville à une autre comme au Danemark. Il faut prendre le bateau ou l'avion", relève-t-elle.