Le Forum social mondial (FSM), rendez-vous annuel des altermondialistes, a consacré lundi à Dakar toute une journée de débats au continent africain, y dénonçant en particulier "l'accaparement des terres" par des groupes étrangers et les "mécanismes du néocolonialisme".
Cette journée a également été marquée par la présence de l'ancien président brésilien Lula, habitué du FSM né il y a 11 ans dans son pays, à Porto Alegre.
A Dakar, il a eu l'occasion de s'entretenir avec la dirigeante socialiste française Martine Aubry et devait rencontrer dans l'après-midi le président sénégalais Abdoulaye Wade.
Parmi les dizaines d'ateliers et de débats, très divers, organisés lundi, l'accent a été mis sur le "néocolonialisme" en Afrique après 50 ans d'indépendance mais aussi sur la lutte contre la spéculation foncière.
"Ne touche à ma terre. C’est ma vie!": sous ce titre, les ONG Enda et Oxfam ont dénoncé "l’accaparement des terres par des groupes étrangers, européens, asiatiques" mais aussi par "des Africains nantis".
Au nom d'Oxfam, le Sénégalais Lamine Ndiaye a évoqué "les cas précis d'une compagnie libyenne ayant acquis 200.000 hectares au Mali, d'une société privée britannique achetant des terrains en Tanzanie" et d'autres exemples au Sénégal, au Ghana, au Mozambique et en Ethiopie.
"Selon un rapport de la Banque mondiale, entre août 2008 et octobre 2009, 42 millions d'hectares avaient été acquis dans les pays du sud. Mais les investisseurs du Nord et élites du Sud impliquées dans cet accaparement font surtout des acquisitions à but spéculatif, sans investir dans l'agriculture", a souligné M. Ndiaye, interrogé par l'AFP.
Le Français Bernard Pineau, du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), a insisté sur l'idée que ces achats de terre étaient le fait "non seulement des multinationales, telle la compagnie sud-coréenne Daewoo à Madagascar, mais aussi des Etats dont l'Arabie saoudite", "au détriment des petits agriculteurs".
Au FSM qui se tient jusqu'à vendredi, "nous réaffirmons que la priorité, c'est de renforcer l'agriculture familiale en Afrique, seul moyen d'assurer la sécurité alimentaire", a-t-il dit à l'AFP.
A titre d'exemple, M. Pineau a cité l'action concrète de syndicalistes agricoles en Guinée, qui ont pu "imposer le relèvement des droits de douanes pour la pomme de terre importée des Pays-Bas, et valoriser ainsi la pomme de terre locale, la belle de Guinée".
D'autres ONG, dont le Réseau des organisations paysannes et producteurs agricoles de l'Afrique de l'Ouest (Roppa), prévoyaient de lancer une campagne intitulée "Célébrons l'agriculture familiale en Afrique".
En marge du FSM, Luiz Inacio Lula da Silva a longuement conversé avec la socialiste française Martine Aubry, pour évoquer "le prochain G20" et la nécessité d'un "nouveau modèle de développement".
"On a aussi beaucoup parlé des relations entre l'Amérique du Sud et l'Afrique. L'Afrique commence à s'en sortir, ce que l'Europe a du mal à comprendre, mais ce que d'autres pays comme la Chine et l'Inde ont compris", a rapporté Mme Aubry.
A l'ouverture du Forum, le Tunisien Taoufik Ben Abdallah, coordonnateur du Forum social africain, avait lancé: "L'Afrique n'est pas un champ de bataille pour les grandes puissances. C'est un continent riche, pourvu qu'on le laisse déterminer ses politiques, ses stratégies de développement".