par Julien Ponthus
PARIS (Reuters) - La polémique provoquée par le voyage de Manuel Valls à Berlin pour la finale de la Ligue des Champions risque de laisser des traces dans l'opinion, même si les conséquences politiques restent pour l'heure limitées, estiment des analystes.
En terme d'image, la facture s'annonce autrement plus lourde pour le Premier ministre que les 2.500 euros qu'il s'est engagé à rembourser pour avoir invité deux de ses enfants à bord du jet de l'Etat pour se rendre de Poitiers à Berlin samedi dernier pour assister au match entre la Juventus et Barcelone, son club de prédilection.
"Si l'on se cantonne à l'image de Manuel Valls, ce qui s'est passé va laisser des traces", estime Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l'Ifop.
Bâtie sur l'autorité, le professionnalisme et une grande maîtrise de la communication, la marque de fabrique du Premier ministre contraste avec cette polémique qui évoque le "bling-bling" dénoncé par la gauche lors du mandat de Nicolas Sarkozy.
Interrogé sur Europe 1, le député radical Olivier Falorni, un ex-socialiste, a estimé mercredi que cet épisode pourrait "devenir le sparadrap du capitaine Haddock, c'est-à-dire une affaire que l'on se traîne comme un boulet, comme Sarkozy s'est traîné le Fouquet's pendant tout son quinquennat".
"On est sur un sujet sur lequel les Français sont devenus extrêmement sourcilleux et les réactions épidermiques", analyse Jérôme Fourquet, un avis confirmé par un sondage de l'institut Elabe pour BFMTV, selon lequel 77% des Français sont "choqués".
Nommé par François Hollande pour "faire du Valls" et mettre un terme aux "couacs" à répétition du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, le Premier ministre a mis plusieurs jours avant de prendre la mesure de l'émotion et admettre son erreur jeudi.
Chargé à Matignon de la communication de Lionel Jospin de 1997 à 2002, Manuel Valls passe pour l'un des meilleurs communicants de sa génération mais semble avoir sous-estimé l'irritation de l'opinion, notamment après l'affaire des notes de taxis de l'ancienne directrice de l'Ina.
"COUP DE CANIF"
"Cela peut mener à un affaiblissement momentané de sa crédibilité", estime Jérôme Fourquet, pour qui cet incident gâche la séquence de sa "victoire" au congrès du Parti socialiste, où sa ligne l'a emporté face aux "frondeurs", et de ses annonces mardi pour doper l'embauche dans les PME.
"Tous les effets d'annonce sur les PME et les TPE ont été parasités par cette affaire-là", estime le politologue.
Pour ce dernier, l'agenda "réformiste" de Manuel Valls n'est pas menacé car "les frondeurs ne sont pas suffisamment puissants pour pouvoir renverser l'équilibre" politique de la majorité.
Manuel Valls reste en outre protégé par sa popularité dans l'opinion, qui reste largement supérieure à celle du président, à moins que l'affaire de Berlin change la donne.
Pour Stéphane Rozès, ce trajet en Falcon "est un coup de canif qui, en soi, est insuffisant pour remettre en cause les fondamentaux" de l'image de Manuel Valls, même s'il offre des angles d'attaque à la fois à gauche, où ses ennemis sont revigorés, et à droite, où l'on fustige ses "leçons de morale".
"La critique de droite est une critique morale contre Manuel Valls alors que la critique de gauche est une critique sociale", dit le président de la société de conseil en communication Cap.
(Julien Ponthus, édité par Yves Clarisse)