PARIS (Reuters) - Le gouverneur de la Banque de France a une nouvelle fois plaidé lundi pour une baisse des taux de l'épargne réglementée dont le niveau constitue, selon lui, "un obstacle de plus en plus fort" à la diffusion dans l'économie de la politique monétaire très accommodante de la BCE.
"Nous sommes dans une période où la BCE met en place des moyens considérables pour faire redémarrer l'économie et remonter l'inflation vers notre objectif. Donc il n'est pas acceptable que l'épargne réglementée soit un obstacle de plus en plus fort à cette évolution", a dit Christian Noyer.
"Pour moi, il est hors de question que les taux ne baissent pas au cours de l'année", a-t-il ajouté lors de la présentation du rapport annuel de l'Observatoire de l'épargne réglementée.
Les encours des produits d'épargne réglementée - livret A, livret de développement durable (LDD), livret d'épargne populaire et plan d'épargne logement (PEL) - ont augmenté l'an passé de 11 milliards d'euros (+1,6%) à 690 milliards d'euros.
Christian Noyer a souligné que, malgré ses recommandations au gouvernement, qui a le dernier mot sur la question, leurs taux de rémunération étaient aujourd'hui "encore plus éloignés" des niveaux prévus par leurs formules de calcul.
Celui du livret A et du LDD est à 1,0%, son plus bas niveau historique, depuis août 2014, alors que le gouverneur de la Banque de France proposait début 2015 de le ramener à 0,75%.
La formule indicative utilisée pour son calcul, qui prend en compte les taux du marché monétaire et l'indice des prix hors tabac, aurait même pu conduire à l'abaisser alors à 0,25%.
SURCOÛT POUR LE LOGEMENT SOCIAL
La rémunération du PEL a été pour sa part abaissée d'un demi-point en début d'année mais, à 2,0%, elle reste à un niveau très attractif dans l'environnement de taux bas actuel.
La question se posera à nouveau la semaine prochaine après la publication de l'inflation à fin juin qui sert de référence pour la révision semestrielle des taux.
Leur caractère sans risque, leur disponibilité immédiate et l'absence de fiscalité et de prélèvements sociaux, au moins pour les livrets, sont, avec leur rémunération, autant de grands atouts pour ces produits.
A l'inverse, ils représentent un coût pour les ressources des banques, dans la mesure où ils influent sur le niveau de taux des autres livrets qu'elles distribuent.
Ils renchérissent en outre le coût de financement du logement social et de la politique de la ville, le principal emploi de la partie (60%) du livret A centralisée auprès de la Caisse des dépôts.
"Le surcoût estimé en 2014 correspond à la construction d'environ 5.000 logements sociaux", souligne le rapport de l'Observatoire.
Le gouvernement invoque la protection de l'épargne populaire pour justifier le maintien de taux nettement au-dessus du marché pour les près de 62 millions de livrets A en circulation.
La Banque de France fait valoir de son côté que les livrets "se concentrent de plus en plus, compte tenu de leur régime fiscal très avantageux, chez les ménages les plus aisés".
Ainsi, les livrets A d'un montant supérieur à 22.950 euros, qui correspond au plafond des versements autorisés hors capitalisation des intérêts, représentaient 20% des encours fin 2014 contre 11,3% un an plus tôt, soit 21,7 milliards d'euros de plus en une seule année.
(Yann Le Guernigou, édité par Yves Clarisse)