par Caroline Pailliez et Jean-Baptiste Vey
PARIS (Reuters) - Le gouvernement a présenté mardi des règles durcies pour l'assurance chômage afin de redresser les finances du régime et d'inciter davantage à la reprise d'emploi, provoquant la colère de l'ensemble des syndicats et des critiques du patronat.
Le Premier ministre, Edouard Philippe, et la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, ont annoncé l'instauration d'un bonus-malus sur les contrats courts dans sept secteurs, une dégressivité des allocations pour les chômeurs qui touchaient plus de 4.500 euros brut et l'allongement à six mois de la période de travail nécessaire pour bénéficier de l'assurance chômage. (ENCADRE Mesures)
Le gouvernement a également décidé de durcir le système de rechargement de droits des personnes cumulant une indemnisation et des revenus d'activité, ainsi que des règles accusées de favoriser les allers-retours entre travail et chômage.
La réforme doit dégager 3,4 milliards d'euros d'économies sur la période 2019-2021 et le gouvernement espère qu'elle permettra de réduire de 150.000 à 250.000 le nombre de demandeurs d'emploi sur cette période.
Les syndicats ont tous dénoncé ces mesures après leur rencontre avec Edouard Philippe et Muriel Pénicaud, soulignant que les salariés les subiraient davantage que les entreprises.
"La CFDT est extrêmement en colère", a dit son secrétaire général, Laurent Berger. "Nous sommes abasourdis de cette réforme qui est profondément injuste" et "archi perdante pour l'ensemble des demandeurs d'emploi", a-t-il ajouté.
Pour le gouvernement, il n'y a pas d'alternative.
"Nous sommes conscients que c’est une réforme difficile mais importante. Le statu quo n'est pas acceptable, on ne peut pas se résigner au chômage de masse", a déclaré Muriel Pénicaud lors d'une conférence de presse.
LA CGT APPELLE À L'ACTION
Catherine Perret, secrétaire confédérale de la CGT, a dénoncé devant les journalistes "un durcissement majeur des conditions d'indemnisation des privés d'emploi".
"Ce n'est que par la rue qu'on va pouvoir faire changer de politique ce gouvernement", a-t-elle ajouté. La CGT appelle à manifester devant les bureaux parisiens de l'Unédic le 26 juin.
"C'est un jour funeste pour le régime d'assurance chômage" fondé sur la solidarité intercatégorielle, a déploré le président de la CFE-CGC, le syndicat des cadres, François Hommeril, accusant l'exécutif de faire passer les cadres pour "des glandouilleurs" profitant du système.
Selon le président de l'organisation patronale Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, le bonus-malus "sera soit inefficace soit, au pire, ça découragera l'emploi".
"C'est une vision punitive de l'économie qui aura très, très peu d'effet", a-t-il ajouté.
Son homologue de la CPME, François Asselin, a craint que les entreprises renoncent à embaucher un douzième salarié pour échapper au malus.
Cette modification des règles de l'assurance chômage, imposée par l'exécutif, a été décidée après l'échec des négociations entre partenaires sociaux à qui le gouvernement avait demandé de répondre à une feuille de route très rigide.
Elle prendra la forme de décrets publiés pendant l'été.
Selon Muriel Pénicaud, le durcissement des conditions d'entrée dans l'assurance chômage et du rechargement des droits générera à lui seul 2,85 milliards d'euros d'économies sur trois ans. Les économies totales seront supérieures à 3,4 milliards mais le différentiel sera réinjecté dans l’accompagnement des chômeurs.
Selon les règles en vigueur actuellement, l'Unédic, qui gère l'assurance chômage, prévoit que le déficit du régime s'établira à 1,9 milliard d'euros cette année, après 1,8 milliard en 2018, et qu'il dégagera un excédent en 2021 pour la première fois depuis 2008.
La dette de l'assurance chômage devrait quant à elle se creuser à 37,2 milliards d'euros cette année et culminer à 37,6 milliards en 2020, avant de repartir à la baisse en 2021.
(Caroline Pailliez et Jean-Baptiste Vey, édité par Yves Clarisse)