La Première ministre britannique Theresa May a lâché un peu de lest jeudi pour tenter de convaincre des députés plus réticents que jamais d'adopter son accord de Brexit âprement négocié avec Bruxelles et débattu dans une atmosphère électrique au Parlement.
Affaiblie par une opposition de tous bords au traité de sortie de l'Union européenne, la dirigeante conservatrice a dit que les députés pourraient avoir le dernier mot sur l'activation éventuelle d'une disposition évitant le rétablissement de contrôles frontaliers sur l'île d'Irlande après le Brexit, point très controversé du texte.
Celui-ci prévoit un "filet de sécurité" ("backstop" en anglais) maintenant l'ensemble du Royaume-Uni dans une union douanière avec l'UE, ainsi qu'un alignement réglementaire plus poussé pour l'Irlande du Nord, si aucun accord sur la future relation entre Bruxelles et Londres n'est conclu à l'issue d'une période de transition de 21 mois après le Brexit, prévu le 29 mars 2019.
Mais le backstop destiné à préserver l'accord de paix en Irlande du Nord est décrié par les députés eurosceptiques, jusqu'au sein du Parti conservateur au pouvoir, qui y voient un danger d'arrimage permanent du Royaume-Uni à l'UE.
Des dizaines de conservateurs se sont désolidarisés du gouvernement et risquent de faire rejeter l'accord de retrait lors d'un vote le 11 décembre à la chambre des Communes, ce qui plongerait le pays dans l'incertitude politique.
- "Pas automatique" -
"On parle du backstop comme s'il était automatique. En fait, il n'est pas automatique", a déclaré Theresa May sur la BBC, soulignant la possibilité d'étendre "pour un an ou deux" la période de transition à la place.
"Si nous devons l'utiliser, un choix devra être fait et j'examine la question du rôle du Parlement dans ce choix", a-t-elle ajouté en soulignant qu'une fois le filet de sécurité enclenché, le Royaume-Uni ne pourrait s'en retirer unilatéralement.
Selon la presse britannique, Mme May essaierait même d'éteindre la révolte des députés eurosceptiques en leur proposant que la chambre des Communes puisse rejeter par vote tant le backstop qu'une prolongation de la période transitoire.
Mais pas question pour autant de renégocier le compromis, comme le demandent des députés. Theresa May le répète: son accord est "bon" pour le Royaume-Uni et "le seul" qui permette de mettre en oeuvre le Brexit voté par référendum en 2016, tout en conservant des liens étroits avec l'UE.
"L'idée qu'il y a une possibilité de le renégocier à la dernière minute est tout simplement illusoire", a prévenu le ministre des Finances, Philip Hammond, à l'entame de la troisième journée de débats sur l'accord au Parlement, après deux séances très mouvementées où l'exécutif a été mis en position de faiblesse.
- 'Choix difficiles' -
"Le temps est venu des choix difficiles et des solutions pratiques", a-t-il ajouté. Les alternatives, selon lui, sont un Brexit sans accord, néfaste pour l'économie britannique, ou pas de Brexit du tout.
Outre les conservateurs, le traité cristallise l'hostilité de l'opposition travailliste, des europhiles du Parti libéral-démocrate, des députés écossais indépendantistes et du DUP, allié de l'exécutif.
Ce petit parti unioniste nord-irlandais a prévenu qu'il retirerait son soutien indispensable à la majorité parlementaire de Theresa May si celle-ci persistait à défendre l'accord de divorce et le backstop.
L'avis du conseiller juridique du gouvernement, publié mercredi dans son intégralité sous la pression du Parlement, est venu jeter de l'huile sur le feu. Il souligne que Londres pourrait être "soumis à des cycles de négociations très longs et répétés" pour obtenir un nouvel accord sur la relation future entre le Royaume-Uni et l'UE et que l'alignement règlementaire de l'Irlande du Nord pourrait "perdurer indéfiniment" dans l'attente de cet accord.
Potentielle épine supplémentaire dans le pied de Theresa May, la Cour de justice de l'Union européenne dira lundi si le Royaume-Uni peut décider de renoncer unilatéralement à quitter l'UE, comme l'a estimé l'avocat général dans un avis n'engageant pas l'institution mais venu alimenter les revendications des partisans d'un second référendum sur le Brexit au Royaume-Uni.