par Guillaume Frouin et Johanna Decorse
NANTES/TOULOUSE (Reuters) - Des affrontements entre des manifestants et la police ont eu lieu samedi à Nantes et à Toulouse après des rassemblements à la mémoire de Rémi Fraisse, militant écologiste mort sur le site du projet de barrage de Sivens (Tarn).
Vingt-et-un manifestants ont été interpellés à Nantes, a annoncé le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, qui a par ailleurs parlé d'"exactions" à Dijon, lors d'un point de presse organisé samedi soir. La préfecture de Haute-Garonne a par la suite fait état de 16 arrestations à Toulouse.
A Nantes, les forces de l'ordre ont fait usage de gaz lacrymogène pour disperser les manifestants, dont des opposants au projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), qui leur lançaient des bouteilles en verre, des pavés et divers projectiles.
Trois policiers ont été blessés, dont l'un par une bouteille remplie d'acide, selon le préfet Henri-Michel Comet.
La manifestation a réuni 500 à 600 personnes, dont "environ 200 jeunes gens très déterminés" venus "chercher l'affrontement avec les forces de police", a-t-il dit.
Trois manifestants auraient été blessés, dont une femme de 21 ans, touchée aux jambes par les éclats de plastique d'une grenade de "désencerclement" qui a explosé à ses pieds, tandis qu'un autre l'aurait été au visage par un tir de flash-ball, selon des photos publiées sur les réseaux sociaux.
La manifestation a été émaillée de slogans comme "Pétain reviens, t'as oublié tes chiens", "Un flic, une balle, justice sociale" ou "L'Etat réprime, la police assassine".
Des feux de poubelles ont été allumés dans le centre-ville où des nuages de gaz lacrymogène flottaient non loin de badauds.
"Aucun recours à la violence, ni aucune atteinte à l'ordre républicain ne seront tolérées", a déclaré le Premier ministre, Manuel Valls. "Ces comportements anti-démocratiques bafouent le droit légitime des manifestants pacifiques de s'exprimer (...) et sont une insulte à la mémoire de Rémi Fraisse", a-t-il jugé dans un communiqué.
Craignant des débordements, les opposants historiques au projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes n'avaient pas appelé à manifester. "Une nouvelle catastrophe est à craindre comme celle de Sivens", avait dit l'Acipa, la principale association. Europe Ecologie-Les Verts avait pris la même décision.
APPEL À STOPPER LE PROJET DE BARRAGE
Après un rassemblement réunissant 500 à 600 personnes à Toulouse, des affrontements ont eu lieu en plein centre-ville, notamment sur la place Esquirol et à proximité du palais de justice où les manifestants ont dressé des barricades avant d'être dispersés par les grenades lacrymogènes.
Selon la préfecture de Haute-Garonne, 300 policiers et gendarmes ont été mobilisés. l'un d'eux a été blessé, tout comme deux manifestants, selon la préfecture.
Du mobilier urbain a été détruit et deux vitrines d'établissements bancaires ont été brisées.
Les forces de l'ordre ont quitté la place du Capitole à 20h30, heure à laquelle les affrontements avaient cessé.
L'hommage à Rémi Fraisse avait commencé dans le calme à Toulouse. Des opposants au projet de barrage étaient venus en famille, avec des pancartes "Ni pardon ni oubli" et des banderoles "Il n'a pas choisi de mourir pour des idées".
"Nous avons subi deux mois de bavures et de violences policières. La grenade qui a tué Rémi Fraisse, les gendarmes en ont envoyées plusieurs centaines, y compris dans des lieux fermés. A force de prendre des risques, le drame est arrivé", a déclaré un opposant au projet de barrage, refusant de donner son identité.
Gérard Onesta, vice-président écologiste du conseil régional de Midi-Pyrénées, a dit lors de la manifestation que "les forces de l'ordre sont passées plusieurs fois à deux doigts de la bavure" et qu'à Sivens s'est jouée une "chronique d'une mort annoncée".
Selon les analyses effectuées jusqu'à présent, Rémi Fraisse a été victime d'une grenade offensive des gendarmes dans la nuit du 25 au 26 octobre sur le site du projet de barrage.
La ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, a annoncé qu'elle réunirait mardi les parties prenantes au projet.
Selon Gérard Onesta, cette réunion peut "tout changer". "Une déclaration d'utilité publique peut être retirée par n'importe quelle autorité", a-t-il dit. "Ségolène Royale qui est restée bien trop longtemps silencieuse doit dire stop à ce gâchis."
Le conseil général du Tarn a quant à lui jugé vendredi impossible de poursuivre ce projet et confirmé son intention de suspendre provisoirement le chantier.
Le collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet, qui regroupe de nombreux opposants au projet, a aussitôt indiqué qu'il resterait mobilisé jusqu'à l'obtention d'une suspension jusqu'en 2015 et a mis en garde contre tout passage en force.
Une marche silencieuse et un "sit-in pacifique" sont prévus dimanche à partir de 14h sur le site à l'appel du collectif.
(Guillaume Frouin à Nantes et Johanna Decorse à Toulouse, édité par Jean-Baptiste Vey)