Les méga-fusions se sont succédé à la surprise générale au mois d'octobre aux Etats-Unis, les grandes entreprises voulant profiter de taux d'intérêt bas avant une élection présidentielle américaine à l'issue incertaine.
Le mois d'octobre a ainsi été le deuxième mois le plus actif après juillet 2015 dans l'histoire des fusions et acquisitions aux Etats-Unis, assure le cabinet Dealogic. En seulement dix jours, cinq unions entre grandes sociétés --dont le mariage géant entre AT&T et Time Warner-- ont été annoncées coup sur coup pour une valeur totale de plus de 220 milliards de dollars.
Cet activisme rompt avec l'attentisme qui prévaut souvent dans les milieux économiques à l'approche d'une élection présidentielle majeure, les grands patrons voulant connaître l'identité du nouveau président et ses premières mesures pour ajuster leurs investissements.
"Le discours c'est +Financez votre transaction avec de la dette+, (car) les taux d'intérêt n'ont jamais été aussi bas", explique Nicholas Colas chez Convergex, ancien banquier d'affaires.
"C'est un plus que de faire une grosse acquisition maintenant alors que les taux d'intérêt sont bas", souscrit JJ Kinahan chez TD Ameritrade.
D'autant qu'il y a une forte probabilité que la banque centrale (Fed), très critiquée par Donald Trump, candidat républicain à la Maison blanche, relève ses taux d'ici la fin de l'année, ce qui augmenterait le coût du crédit, avancent ces deux experts.
AT&T semble avoir suivi ce conseil puisqu'il va financer une partie du rachat de Time Warner, propriétaire des chaînes de télévision CNN, HBO et des studios de cinémas Warner Bros, en s'endettant.
L'opérateur télécoms va contracter des prêts-relais à hauteur de 40 milliards de dollars pour financer cette opération à 85,4 milliards de dollars, annoncée le 22 octobre pour répondre au bouleversement du paysage audiovisuel redessiné par la vidéo en ligne par streaming sous l'impulsion d'Amazon (NASDAQ:AMZN) et de Netflix.
- "Confiance" -
D'autres entreprises sont, elles, passées à l'action par crainte de nouvelles lois antitrust plus draconiennes après l'élection présidentielle, selon les experts. Elles espèrent ainsi protéger leur développement externe en jouant sur le fait que la loi n'est souvent pas rétroactive.
"Qui sait à quoi ressemblera le paysage antitrust après l'élection ? Donc autant agir maintenant", résume Nick Colas.
Après huit années d'une administration Obama qui a mis en échec plusieurs grandes fusions, le paysage règlementaire de l'après-élection reste de fait incertain.
S'il a promis des baisses d'impôts pour les entreprises, Donald Trump n'a pas hésité à s'en prendre à Apple (NASDAQ:AAPL) et Ford, accusées de produire à l'étranger et de délocaliser, et a affirmé qu'il s'opposerait à la fusion AT&T-Time Warner s'il était élu le 8 novembre.
Sa rivale démocrate Hillary Clinton a adressé, elle, des menaces à peine voilées à l'industrie pharmaceutique, dont les prix élevés des médicaments sont au centre de vives polémiques depuis un an.
Dans l'ensemble, le boom récent des méga-fusions est "un signe de confiance en l'économie américaine", estime aussi JJ Kinahan. Les chefs d'entreprise font le calcul que "peu importe les changements de politiques que feront le nouveau président et le nouveau Congrès, peu importe le niveau auquel seront les taux d'intérêt, l'économie sera en meilleure forme dans les prochains mois", développe-t-il.
Après un début d'année morose, la croissance économique américaine a repris de l'allant pendant l'été, en atteignant son plus fort rythme d'expansion économique depuis 2 ans (2,9% en rythme annualisé).
"Ils (patrons) aimeraient voir une croissance plus robuste. Ils n'entrevoient toutefois pas de grosse chute de leur activité à court terme", souscrit Nick Colas.
Ces grandes manoeuvres ont en tout cas touché différents secteurs, dont les médias, l'énergie, le tabac, la santé, l'informatique et les télécommunications.
La dernière annonce est revenue au conglomérat industriel General Electric (NYSE:GE), qui va fusionner ses activités de services dans les pétroliers et gaziers avec celles de Baker Hughes pour donner naissance à un géant mondial de 32 milliards de dollars de chiffre d'affaires annuel devant rivaliser avec Schlumberger et Halliburton, respectivement numéros un et deux dans cette industrie dont les marges ont été rongées par le plongeon des prix du pétrole depuis 2014.