Le sommet européen sur le budget européen pour 2014-2020 s'est ouvert sous haute tension jeudi soir après 23H00 (22H00 GMT), la plupart des dirigeants européens affichant leur volonté de défendre leurs intérêts nationaux dans une Europe en pleine crise.
Jeudi soir, la France et l'Allemagne, les deux moteurs de la construction européenne, étaient toujours en quête d'une position commune. "Nous n'avons pas encore une position commune mais nous avons une approche commune de la négociation", a expliqué une source européenne, façon diplomatique de dire que les deux pays n'étaient pas d'accord, à l'issue d'une rencontre bilatérale entre le président François Hollande et la chancelière Angela Merkel.
"L'Allemagne s'engagera dans les négociations de manière très constructive, mais représentera également ses propres intérêts", avait prévenu auparavant Mme Merkel. "L'Europe, c'est un compromis, chacun doit venir avec ses positions, les défendre, chercher quelle est la meilleure voie pour emmener l'Europe pour sept ans", a plaidé M. Hollande.
Mais Mme Merkel a jugé "possible" qu'il faille un nouveau sommet pour aboutir, rejointe sur ce point par les dirigeants autrichien, italien, espagnol et polonais. "S'il n'y a pas d'accord, ce ne sera pas dramatique", a dit le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy.
"Nous sommes tous conscients que les négociations sont très dures. Les Etats présentent leurs différentes positions. C'est possible qu'il n'y ait pas d'accord à ce sommet", a estimé le ministre polonais des Finances, Jacek Rostowski.
"Il faut se préparer à cette éventualité. Il faudra attendre le prochain sommet (...) Les discussions ne sont pas à l'étape à laquelle on peut voir une fin", a-t-il ajouté.
Un rapprochement semblait se dessiner en revanche entre l'Allemagne et le Royaume-Uni en faveur de coupes plus drastiques. Mme Merkel et son homologue David Cameron se sont rencontrés eux aussi en bilatérale. "Nous n'entrons pas dans les chiffres, mais les Allemands sont sur la même position (que nous) sur les coupes dans la proposition" du président du Conseil européen Herman Van Rompuy, a indiqué à l'AFP un responsable britannique.
"Pour les Allemands, la proposition Van Rompuy est encore trop élevée", a indiqué une source gouvernementale allemande. "Le président français a montré de la compréhension pour la demande allemande de coupes supplémentaires modérées, et la chancelière pour les préoccupations françaises", a prudemment ajouté cette source.
M. Van Rompuy a proposé un budget de 973 milliards d'euros, soit 1,01% du PIB européen. Il a ainsi réduit de 75 milliards d'euros la demande de 1.047 milliards d'euros faite par la Commission.
Selon une source européenne, Mme Merkel voudrait des coupes supplémentaires de 30 milliards d'euros. M. Cameron va encore plus loin avec des coupes de l'ordre de 40 à 50 milliards, selon des responsables européens engagés dans les négociations.
"C'est infaisable", a confié à l'AFP un haut responsable européen.
M. Van Rompuy estime possible de négocier des ajustements dans sa proposition, en coupant dans les financements alloués pour les politiques de croissance (grands réseaux, recherche), afin de rehausser les enveloppes pour la Politique agricole commune (PAC) et la politique de cohésion en faveur des pays les plus pauvres.
Le sommet "pourrait être long et compliqué", a reconnu M. Van Rompuy en ouvrant les travaux. Il a appelé les dirigeants européens à "ne pas oublier qu'il s'agit du budget pour la prochaine décennie et qu'il doit être orienté vers le futur".
David Cameron a dans son collimateur l'enveloppe allouée à la PAC, premier poste de dépense du budget et budget ardemment défendu par la France.
Toute la journée, M. Van Rompuy a mené des rencontres en forme de "confessionnal" avec chacun des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE, afin d'élaborer une nouvelle proposition qu'il devait soumettre aux dirigeants à l'ouverture du sommet.
Premier hôte de ces tête-à-tête, M. Cameron s'est montré inflexible. "Je ne suis pas content du tout" des propositions sur la table, "je vais négocier durement pour obtenir un bon accord pour les contribuables britanniques et européens et je veux conserver le rabais britannique", a-t-il prévenu.
M. Cameron peut compter sur le soutien du Suédois Fredrik Reinfeldt, du Néerlandais Mark Rutte et du Finlandais Jyrki Kateinen, comme lui partisans d'une réduction drastique des dépenses.
"Il se montrera intransigeant, car il sait ce qui l'attend à Londres s'il cède. En revanche, s'il met un veto, il sera un grand héros", a souligné le haut responsable européen.