Le gouvernement portugais a refusé jeudi de céder à un magnat sud-américain son emblématique compagnie aérienne TAP, enregistrant ainsi le premier échec de son programme de privatisations, exigé par ses créanciers internationaux.
L'homme d'affaires sud-américain German Efromovich, à la tête du consortium Synergy Aerospace et propriétaire de la compagnie colombienne Avianca, était le seul repreneur en lice.
A l'issue du conseil des ministres, la secrétaire d'Etat au Trésor Maria Luis Albuquerque, a expliqué que Synergy Aerospace n'avait pas été en mesure de présenter les garanties bancaires nécessaires à la réalisation de l'opération, même si son projet pour la TAP a été jugé "positif".
L'offre de M. Efromovich, qui dispose des nationalités brésilienne, colombienne et polonaise, prévoyait de couvrir le passif de la TAP, estimé à 1,5 milliard d'euros, et de verser 35 millions d'euros à l'Etat portugais.
M. Efromovich s'est déclaré "surpris" par la décision du gouvernement, affirmant qu'il était prêt à respecter le cahier des charges au moment de la signature d'un accord de vente, selon des propos rapportés rapportés par l'hebdomadaire Expresso sur son site internet.
La privatisation de TAP était considérée comme un chapitre important, et particulièrement délicat, du programme de privatisations prévu par le gouvernement de centre droit pour réduire la dette publique du pays qui ne cesse de croître et a atteint en septembre 120,5% du PIB.
Mme Albuquerque a souligné que l'échec de la vente de TAP "ne remettait pas en cause le programme de privatisations". Le gouvernement poursuivra le processus "quand les conditions seront réunies", a-t-elle ajouté.
La compagnie TAP seule a dégagé un bénéfice net de 3,1 millions d'euros en 2011, mais la dette totale du groupe s'élevait la même année à 1,23 milliard d'euros.
Selon divers économistes, sa privatisation était indispensable en raison de son mauvais état financier dans un secteur où les alliances sont de plus en plus nombreuses.
Le secrétaire d'Etat aux Transports, Sergio Monteiro, a déclaré de son côté que l'Etat était "un carcan" pour la croissance de la TAP dans la mesure où les règles communautaires ne l'autorisent pas à injecter des fonds pour redresser la compagnie.
La cession de TAP faisait partie des recommandations des créanciers du Portugal qui supervisent le programme de réformes et de rigueur mis en œuvre par le gouvernement en contrepartie du prêt de 78 milliards d'euros, accordé en mai 2011 par l'Union européenne et le Fonds monétaire international.
Les privatisations doivent rapporter 5,5 milliards d'euros jusqu'en 2014 et plus de la moitié de cette somme a déjà été encaissée grâce aux investissements d'entreprises publiques chinoises dans les groupes électriciens EDP et REN.
Le gouvernement, qui doit annoncer la semaine prochaine le repreneur du gestionnaire d'aéroports ANA, a encore l’intention de privatiser la télévision publique RTP, les chantiers navals de Viana do Castelo (nord), la poste (CTT) et la branche assurance de la banque publique Caixa geral de depositos (CGD).
Au nom des "intérêts stratégiques nationaux", l'opposition de gauche avait vivement critiqué la privatisation de TAP, affirmant que le processus avait manqué de transparence.
"Le gouvernement a dû reculer sur toute la ligne. Heureusement que cette mauvaise affaire a échoué", a déclaré Carlos Zorrinho, chef du groupe parlementaire socialiste au Parlement.
Les employés de TAP, redoutant des licenciements, en avaient de leur côté appelé au "patriotisme" du gouvernement pour qu'il renonce à son projet.
Le groupe TAP, qui emploie 12.400 personnes, comprend les compagnies TAP et Portugalia (compagnie régionale acquise en 2007), une société d'entretien au Brésil et détient 49,9% du bagagiste Groundforce.
Avec sa flotte de 71 avions, la compagnie a transporté l'année dernière 9,75 millions de passagers et 89.500 tonnes de fret et courrier vers 76 destinations dans 34 pays. Elle est la première compagnie européenne à opérer vers le Brésil.