Alors que deux de leurs confrères publient des ouvrages aux antipodes: "Itinéraire d'un DRH gâté" et "DRH comme... Dépressif", les directeurs des ressources humaines de grands groupes français expliquent à l'AFP les joies et peines de ce métier difficile.
Fraîchement retraité, Jean-Luc Vergne, raconte de façon très vivante son itinéraire chez Sanofi, PSA ou encore Elf Aquitaine dans "Itinéraire d'un DRH gâté" (Eyrolles), publié le 26 septembre.
Ce fils d'ouvrier qui se dit "atypique" évoque "un métier de passion" mais reconnaît que le job est "souvent décrié", considéré par certains "comme une chambre d'enregistrement (...) des décisions prises en haut lieu".
Il se souvient des moments difficiles, comme lorsqu'il a dû faire des annonces de "fermetures d'usines seul, debout sur un bidon face à 300 salariés"... Mais aussi de moments hauts en couleur comme lorsqu'un syndicaliste fraîchement élu définit son programme: "Ben, on continue les contentieux contre les employeurs!".
Pour lui, le métier "ne peut se concevoir sans amour et confiance en l'humain", et il ne peut y avoir de "performance économique sans performance sociale" et inversement.
Philippe Dorge, DRH de PSA, reprend cette formule à son compte et souligne que "les organisations qui ne laisseraient pas de place aux ressources humaines sont condamnées". Le DRH, dit-il, doit être "un pont" entre toutes les parties prenantes tout en gardant des marges de manoeuvre pour "ne pas se laisser enfermer".
Son homologue chez Orange (ex-France Télécom), Bruno Mettling, appelé au coeur de la crise sociale en 2010, explique avoir vu le métier changer: "Quand j'ai connu la fonction, il y avait d'une part une stratégie d'entreprise et d'autre part les hommes et les femmes à qui elle s'appliquait", le DRH se trouvant "entre les deux". "Du coup, ça donnait des DRH qui étaient de bons négociateurs mais qui ne participaient pas à la définition de la stratégie".
"Aujourd'hui, l'entreprise est sortie des logiques court-termistes" et "de plus en plus de DRH sont directeurs généraux adjoints, membres du comité exécutif. (…) Ils ont quitté la catégorie des exécutants".
Sylvie François, sa consoeur de La Poste, souligne aussi qu'"un DRH n'est pas un exécutant". Il doit "gagner la confiance des salariés, des managers, des responsables syndicaux" et "comprendre et faire comprendre leurs attentes" pour que "chacun y trouve son bien-être".
"C'est difficile, mais c'est justement ce qui fait l'intérêt du métier", dit-elle.
"Je connais des DRH qui n'ont pas cette exigence vis-à-vis d'eux-mêmes et vis-à-vis de leurs partenaires de l'entreprise. A ce moment là, je comprends qu'ils ne soient pas très bien dans leur peau", confie-t-elle.
"Coincé ou en équilibre"
Reste que "l'image du DRH n'est pas terrible", reconnaît Jean-Christophe Sciberras, DRH chez Solvay et président de l'Association nationale des DRH (Andrh). "Si on regarde les films qui sont sortis ces dernières années, c'est moyen, moyen", dit-il citant "Ressources humaines" ou "In the Air" où "George Clooney passe son temps dans les avions pour licencier des gens".
Mais, dit-il, c'est "un cliché contre lequel il faut s'insurger".
De là à parler de joie dans le travail, Jean Agulhon, DRH de Renault France, ne franchit pas tout à fait le pas.
"Ma joie c'est que je vois des choses bouger" dans le dialogue social, dit-il, avant de se reprendre et d'expliquer que le terme de "joie" est plutôt réservé à sa vie privée.
A l'instar de M. Sciberras, tous reconnaissent, que "c'est un métier difficile" où il faut "des capacités personnelles pour tenir le choc".
Dans "D comme DRH et... Dépressif" (Tamaris), paru début septembre, Jacky Lhoumeau, ex-DRH d'un important site d'un groupe pharmaceutique, évoque les difficultés qui l'ont conduit au burn-out.
"En 2010, on m'a demandé de tailler dans les rangs" pour faire partir plus de 200 personnes, une situation qui "a fait ressortir un profond mal-être", dit-il.
Aujourd'hui en arrêt maladie, il évoque "la solitude" du DRH "sans cesse coincé ou en équilibre entre direction, managers, salariés, syndicats"....
Et lorsqu'on lui demande la principale qualité d'un DRH, il répond du tac au tac: "penser qu'on ne le fera pas toute sa vie!".