La guerre des prix aura finalement lieu. Malgré le climat apaisé qui semblait régner au début, les négociations commerciales annuelles entre fournisseurs et distributeurs, qui se terminent ce vendredi, s'achèvent encore une fois sur un climat tendu.
Comme chaque année, représentants de la grande distribution, de l'industrie, de l'agroalimentaire et des producteurs agricoles sont réunis depuis octobre pour négocier les tarifs des prix des produits de grande consommation pour l'année à venir.
Et même si au final, les prix de vente aux consommateurs devraient peu évoluer, contexte de crise oblige, chacune des parties prenantes ressort mécontente.
Eleveurs et industriels reprochent à la grande distribution d'imposer des tarifs trop bas, ne leur permettant de vivre correctement, tandis que cette dernière accuse les groupes agroalimentaires de chercher à faire des marges sur le dos des consommateurs.
Une fois n'est pas coutume, un distributeur s'est joint au concert des fournisseurs.
Début février, le patron de Système U, Serge Papin a dénoncé le "manque de responsabilité" de certains de ses confrères distributeurs, qui dans un contexte de guerre des prix féroce, maintiennent la pression pour obtenir des tarifs toujours plus bas, citant en exemple le lait.
"Les négociations commerciales (...) sont en train de suggérer à la production un prix du litre de lait à 32 centimes", soit celui auquel il était avant la crise de l'an dernier. Et ce alors que les tarifs mondiaux sont tirés à la hausse par une forte demande.
Le distributeur avait alors prédit l'émergence d'une nouvelle crise du lait, sitôt la fin des négociations.
La réalité a devancé ses craintes. Dès le lendemain, les Jeunes Agriculteurs ont menacé de se mobiliser, aussitôt suivis des industriels, pour exiger que la grande distribution fasse un effort.
"Sinon, on va au clash", avait alors averti la Fédération nationale des industries laitières.
- 'Bon coup de pied aux fesses' -
En réponse, Carrefour, Leclerc, Intermarché ont pris des engagements en faveur de hausses de tarifs du lait ou de mise en place de partenariats longue durée entre distributeurs et agriculteurs.
Jeudi soir, les éleveurs laitiers semblaient donc plutôt optimistes sur une petite revalorisation des prix, de l'ordre de 3%.
Mais pour les autres produits, les tensions restaient encore vivaces à 24 heures de la fin des négociations.
Cette année "on a démarré ces négociations entre -7% et -5% sur tous les produits par rapport à la même date il y a un an, ce n'est pas acceptable", a dénoncé Xavier Beulin de la FNSEA.
Du côté de la grande distribution, les exigences à la hausse "totalement déconnectées des réalités économiques", ont une nouvelle fois été fustigées par Michel-Édouard Leclerc, pointant du doigt des négociations "pas simples" et "sans concessions".
A quelques heures de la date-butoir, c'est donc un climat morose qui règne, alors que certains accords, notamment avec de gros industriels, sont loin d'être conclus, affirment plusieurs distributeurs.
Une grande majorité de participants (68%), notamment chez les fournisseurs, jugent que les discussions ont été cette année "encore plus difficiles" que d'habitude, selon un sondage LSA publié le 20 février.
"Tous les ans, on dit que c'est dur, mais c'est particulièrement vrai cette année", a-t-on également commenté chez Système U.
La guerre des prix et les effets de la crise figurent comme les causes majeures des tensions.
Mais cette année, certaines prises de position du gouvernement ont elles aussi joué un rôle.
La loi Hamon, qui ne s'appliquera pourtant que l'an prochain, a ainsi alimenté les incertitudes, certains anticipant la nouvelle législation.
De nouvelles procédures ou des décisions récentes de justice, dénonçant les déséquilibres dans les relations commerciales entre distributeurs et fournisseurs, ont elles aussi perturbé les débats.
Et la prise de position jeudi du ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg qui a promis un "bon coup de pied aux fesses" de la grande distribution, l'accusant de ne pas assez promouvoir les productions françaises et d'avoir "assommé les PME", risque de ne pas détendre les dernières heures de négociations.