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En décevant, la BCE pourrait hypothéquer sa crédibilité et la reprise

Publié le 04/12/2015 13:56
Mis à jour le 04/12/2015 14:15
Mario Draghi, président de la BCE, à Francfort le 3 décembre 2015, lors d'une conférence de presse (Photo DANIEL ROLAND. AFP)
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Mario Draghi, président de la BCE, à Francfort le 3 décembre 2015, lors d'une conférence de presse (Photo DANIEL ROLAND. AFP)

La BCE va remettre au pot pour soutenir l'économie mais en-deçà des attentes qu'elle avait fait naître et ce désappointement, une première sous l'ère Draghi, fragilise selon les analystes la crédibilité de l'institution et même la reprise en zone euro.

"Pour la première fois depuis son discours de Londres en 2012", durant lequel il avait promis de tout faire ("whatever it takes") pour sauver la zone euro, le président de la BCE Mario Draghi a "livré moins que prévu sur tous les tableaux" lors de sa conférence de presse jeudi, estime Christoph Rieger, économiste de Commerzbank (DE:CBKG).

Alertée par une inflation au point mort et une reprise timide en zone euro, la BCE a abaissé jeudi l'un de ses taux directeurs et va prolonger d'au moins six mois, jusqu'en mars 2017, la durée du "QE", le programme de rachats massifs de dette lancé neuf mois plus tôt.

Après ces annonces, les cours boursiers et des obligations ont chuté, l'euro est remonté, les investisseurs semblant trouver les mesures de la BCE trop timorées. La plupart des indices européens restaient déprimés vendredi.

"Le marché dénonce un bluff avec raison, dans la mesure où aucune de ces mesures ne représente un assouplissement significatif de la politique monétaire", ajoute M. Rieger. Les investisseurs espéraient non seulement un prolongement, mais aussi un gonflement du volume mensuel du "QE".

La banque centrale "a fait moins que ce qui était considéré comme le minimum", pour Olivier Garnier, de Société Générale (PA:SOGN).

- Crédibilité en question -

"L'absence d'agressivité de la banque centrale ne va pas contribuer à améliorer la crédibilité de la BCE. (...) Le marché va naturellement réévaluer la volonté et la capacité de" l'institution à agir, estime Andrew Cates, de RBS.

Les propos récents de plusieurs banquiers centraux avaient fait naître des espérances démesurées parmi les investisseurs.

"Nous ferons ce que nous devons pour relancer l'inflation aussi vite que possible", avait promis M. Draghi, des propos vus comme préfigurant une action de grande envergure.

Pour Jonathan Loynes, de Capital Economics, "l'incapacité de la banque centrale à satisfaire des attentes alimentées par ses propres signaux a affaibli à la fois sa réputation en terme de communication et, plus important, les perspectives pour la conjoncture en zone euro".

La communication est essentielle pour une institution qui a fait voeu de communiquer en amont et de manière claire sur ses intentions.

Et la confiance dans l'action de la BCE est en effet un facteur clé dans la reprise européenne. Si les acteurs de l'économie se mettent à douter de sa capacité à ramener l'inflation à proximité de sa cible, "proche mais inférieure à 2%", alors grandit le risque de déflation, spirale négative de baisse des prix et des salaires qui se traduit par un report des achats et des investissements.

- Dissensions -

Tous ne dénigrent pas l'action de la BCE. La politique de la banque centrale est "adaptée" à la situation, a jugé vendredi le ministre français des Finances Michel Sapin.

Elle a fait "un joli cadeau aux économies de la zone euro", reconnait Wouter Sturkenboom, du fonds Russell Investments et "globalement ce que les économistes attendaient", pour Paul Donovan, économiste d'UBS.

Ce dernier se demande "quand les marchés vont-ils apprendre que la banque centrale est dirigée par des économistes?".

Parmi les économistes en question, les 25 membres du conseil des gouverneurs qui prennent les décisions de politique monétaire, un certain nombre ne voient toutefois pas de nécessité d'intensifier le soutien à l'économie.

Du coup "c'est comme si Draghi avait dû faire plus de compromis que prévu avec les membres du conseil des gouverneurs les plus intransigeants, tout en voulant garder encore quelques armes à disposition", analyse Tobias Rühl, d'Unicredit (MI:CRDI).

Le président de la Bundebank allemande Jens Weidmann notamment ne fait pas de mystère de ses doutes.

"Au regard du rôle dominant du recul des prix de l'énergie dans l'évolution des prix en zone euro et des mesures déjà mises en oeuvre, (...) une nouvelle intervention n'était pas nécessaire", a-t-il dit jeudi soir, enfonçant le clou.

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