La Russie a persévéré mercredi dans sa volonté de rejoindre les rangs de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en trio avec le Bélarus et le Kazakhstan, bien que les Etats-Unis et l'Europe ne fassent pas mystère de leur désapprobation.
Si ce sujet diplomatiquement sensible n'a pas fait de vagues, du moins publiquement, pendant la visite du président américain Barack Obama lundi et mardi à Moscou, il a resurgi comme un diable de sa boîte dès celui-ci reparti, mercredi matin.
Le secrétaire américain au Commerce, Gary Locke, a fait savoir au cours d'un point presse que les Etats-Unis jugeaient tout simplement irréalisable le projet d'adhésion à trois dévoilé à la surprise générale par le Premier ministre Vladimir Poutine en juin.
"Pour la plupart des membres de l'OMC, (cette proposition) ne peut tout simplement pas fonctionner, elle est sans précédent et ne ferait que retarder les choses", a-t-il déclaré.
"Le fait est que les Etats-Unis et la Russie étaient sur le point de trouver un accord sur l'adhésion à l'OMC", a ajouté M. Locke. "Pour nous, (le revirement russe) était un peu une surprise", a-t-il admis.
La Russie, plus grande économie mondiale à ne pas être membre de l'OMC, semblait piétiner depuis plusieurs années dans ses négociations avec les pays membres.
Jusqu'à l'annonce inopinée, le 9 juin dernier, par les dirigeants russe, bélarusse et kazakh que les trois capitales entendaient achever l'union douanière russo-kazakho-bélarusse actuellement en chantier et adhérer ensuite ensemble à l'OMC.
A l'époque, les analystes avaient interprété cette volte-face russe comme l'expression de l'écoeurement des autorités face à une attente perçue comme injustifiée.
Le ministre américain, qui a eu cette semaine des entretiens avec ses homologues russes, a pour sa part révélé que cette approche à trois lui avait été décrite comme une "voie parallèle" et que les trois ex-républiques soviétiques poursuivraient indépendamment leurs négociations d'adhésion à l'OMC tout en se consultant.
Mais la ministre du Développement économique Elvira Nabioullina a fait savoir mercredi que Moscou ne déviait pas de sa position.
"La décision est prise, et nous allons synchroniser nos actions avec le Kazakhstan et le Bélarus, car notre union douanière va vraiment être lancée le 1er janvier 2010", a-t-elle dit, citée par l'agence RIA Novosti.
Les autorités des trois pays concernés s'efforcent actuellement d'harmoniser leur positions, a-t-elle dit : "Il y a plusieurs cas de figure possibles car l'une de nos tâches est aussi de tenter de conserver l'essentiel des accords déjà conclus par la Russie dans le cadre ses négociations d'adhésion à l'OMC", a-t-elle dit.
"Mais notre position est unanime : nous allons former une union douanière et nous ne manquerons pas de mener les négociations d'entrée dans l'OMC pour les trois pays", a-t-elle dit.
Les Américains ne sont pas les seuls à déplorer la position russe. Quelques jours plus tôt, un haut responsable européen avait exprimé un point de vue similaire à celui de M. Locke.
"La Russie était très proche d'une entrée dans l'OMC, nous nous attendions à ce qu'elle en devienne membre (...) d'ici à la fin de l'année, alors que le Kazakhstan est au stade de la conclusion d'un accord bilatéral", a souligné le chef de la représentation de la Commission européenne en Russie, Marc Franco. Quant au Bélarus, il a "à peine commencé les négociations", a-t-il souligné.
Du point de vue de Bruxelles, ce revirement complique aussi les efforts de relance des négociations sur un partenariat UE-Russie : "Le nouveau schéma change complètement le tableau", avait-il souligné.