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Kosovars et Serbes se disputent les dépouilles de Trepca

Publié le 07/06/2017 18:39
Mis à jour le 07/06/2017 19:15
Le mineur Islam Kurti s'indigne que la Serbie dispute au Kosovo la propriété de sa mine, rare atout économique de son pays.  (Photo Armend NIMANI. AFP)

Le mineur Islam Kurti s'indigne que la Serbie dispute au Kosovo la propriété de sa mine, rare atout économique de son pays.  (Photo Armend NIMANI. AFP)

Stanterg "n'a jamais été serbe et ne le sera jamais": interrompant son labeur, le mineur Islam Kurti s'indigne que la Serbie dispute au Kosovo la propriété de sa mine, rare atout économique de son pays.

Près de 20 ans après la guerre entre forces de Belgrade et indépendantistes kosovars albanais (1998-99), cet homme de 59 ans approuve la prise de contrôle formelle fin 2016 par le Kosovo du groupe industrialo-minier Trepca, auquel appartient Stanterg (Stari Trg pour les Serbes).

Les législatives du 11 juin ne remettront pas en cause cette prise de contrôle: les Kosovars se moquent comme d'une guigne de la colère de la Serbie, qui s'estime propriétaire de Trepca.

Principalement situé sur la municipalité divisée de Mitrovica, cet ex-fleuron yougoslave employait du temps de sa splendeur 17.000 personnes. Kosovo et Serbie se disputent désormais ses dépouilles, avec environ 2.000 salariés chacun.

Trepca paye son éclatement entre zones de peuplement de la majorité kosovare albanaise et de la minorité serbe, qui ne partagent plus guère qu'un chômage massif. L'an passé, pour 100 offres d'emploi, la direction kosovare de Trepca a reçu 2.200 candidatures.

- La lutte des mineurs de Stanterg -

Islam Kurti est un vétéran de Stanterg, symbole du nationalisme kosovar face à une Serbie qui n'a jamais reconnu l'indépendance déclarée en 2008 par son ex-province albanaise.

En 1989, Slobodan Milosevic, dont la rhétorique "grand serbe" allait embraser l'ex-Yougoslavie, suspend l'autonomie du Kosovo. Avec ses collègues, Islam Kurti entame une grève de la faim. "Après huit jours et huit nuits", ils sont arrêtés, emprisonnés deux mois, puis interdits "de seulement approcher l'entrée de la mine".

Pour les remplacer, sont amenés Polonais, Bulgares, Bosniens ou Monténégrins. Islam Kurti redescendra sous terre le 15 mars 2001, après la guerre et deux ans de remise en état de la mine inondée à leur départ par les Serbes, selon les Kosovars.

A l'appui de sa position, Belgrade invoque les investissements et le fait que Trepca était propriété yougoslave. Trepca "appartient à la Serbie, il n'y a aucun doute là-dessus", assure Oliver Ivanovic, rare responsable serbe de Mitrovica-nord --la partie serbe de cette ville coupée en deux-- à s'exprimer sur le sujet.

"Qu'ils le prouvent", s'étrangle le directeur de la mine, Bexhet Vinarci, 47 ans. A Stanterg, les mineurs sont accueillis à l'entrée du puits par l'inscription albanaise "Me Fat!" ("Bonne chance!"). Au-dessus, flotte le drapeau albanais.

Les 280 kilomètres de galeries où travaillent jusqu'à 800 mètres de fond quelque 700 mineurs sont un des rares atouts du Kosovo, dépendant de l'aide internationale et des devises des émigrés.

Le salaire moyen d'un mineur y est de 700 euros, le double de la moyenne nationale. "Trepca peut assurer l'avenir de tous" et "résoudre le chômage, ici comme du côté serbe", affirme Bexhet Vinarci.

Riche en zinc et en plomb, ce sous-sol exploité depuis l'Antiquité contient une soixantaine de minéraux, dont de l'or et de l'argent.

En 2016, 13.000 tonnes de concentrés de minerais vendus à l'étranger, ont rapporté 15 millions d'euros, explique le directeur financier de Trepca, Hilmi Haxha.

"Insuffisant pour le développement du Kosovo", poursuit-il: Trepca doit redevenir "un combinat" et valoriser la matière première.

- "Le plan de l'UE" -

Autrefois, ce rôle était notamment assuré au complexe sidérurgique de Zvecan, aujourd'hui en zone serbe. Derrière vigiles et barbelés, c'est un monstre rouillé et assoupi, avec ses ateliers en lambeaux et son immense cheminée d'où ne sort aucune fumée.

"Cela fait bien longtemps que la ligne de production ne fonctionne plus", dit un gardien, sous couvert d'anonymat.

"La production a baissé, les machines sont vieilles", énumère un ouvrier de 53 ans de Trepca, qui explique recevoir un maigre salaire de Belgrade pour parfois rester chez lui.

"J'aimerais que Trepca reste serbe, mais je ne suis pas irréaliste", dit-il, tandis que les responsables serbes refusent de s'exprimer.

Rien que pour redémarrer l'usine de transformation de zinc qui a brûlé en 2000, du côté albanais, il faudrait 45 millions d'euros, estime Hilmi Haxha, le directeur de la mine. Or "nous n'avons pas cet argent" et les "investisseurs étrangers demandent un environnement sûr", dit-il.

De fait, souligne Oliver Ivanovic, le responsable de Mitrovica-nord, "depuis 1999, je ne me souviens pas de deux semaines consécutives de calme total". A Mitrovica, une force internationale garantit toujours un calme précaire.

"C'est un jeu politique alors que cela ne devrait pas l'être", regrette Hilmi Haxha.

Si la raison économique l'emportait, Trepca "pourrait être un point de contact" entre Albanais et Serbes, estime Bexhet Vinarci, en ajoutant: "C'est le plan de l'Union européenne".

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