Après avoir bloqué leur usine pendant quatre mois, les grévistes de l'usine PSA Aulnay-sous-Bois ont accepté vendredi de mettre fin à leur mouvement, en signant un accord avec la direction qui prévoit notamment une indemnité s'ils partent rapidement et l'abandon des recours en justice.
Cette grève dure, qui a paralysé la production de l'usine de Seine-Saint-Denis et profondément divisé les syndicats et les salariés de l'usine, avait démarré le 16 janvier à l'appel de la CGT, suivie par la CFDT de l'usine et par SUD, qui avait depuis quitté le mouvement.
Selon la direction, 14.000 Citroën C3 ont été perdues sur les trois premiers mois du mouvement qui a été suivi par cent à deux cents grévistes.
L'accord prévoit "la reprise du travail pour tous" dès mardi 10H00, mais aussi la levée "de toute contestation du plan social", en particulier du recours engagé en justice par la CGT "contre le plan de restructuration du groupe", selon un communiqué de la direction.
En échange, quelque 130 salariés grévistes bénéficieront des mesures de reclassement externe du plan social, y compris quatre salariés licenciés, dont certains pour leur comportement violent durant la grève. Par ailleurs, des "garanties écrites" ont été données pour la mutation en interne d'environ 70 autres salariés, selon la CGT.
Un point de l'accord fait débat : une indemnité exceptionnelle de 19.700 euros est réservée aux grévistes s'ils acceptent de quitter l'entreprise avant le 31 mai.
"Il s'agit d'une indemnisation de fin de litige", a expliqué à l'AFP Philippe Patault, militant de la CGT. Ceux qui en bénéficient s'engagent à ne pas saisir les prud'hommes.
"Ça va chauffer"
Grâce à cette indemnité, un salarié gréviste avec dix ans d'ancienneté partira avec 50 % de plus (60.000 euros) qu'un non gréviste (40.000 euros).
Sur le parking, certains salariés qui avaient subi la grève --marquée par des dégradations, des jets de boulons et des menaces de mort dénoncées par les syndicats non grévistes et la direction-- se montraient dépités.
"C'est injuste", grince Patrice, ouvrier non gréviste. "Ils n'ont pas le droit. On ne peut pas donner qu'aux grévistes, c'est de la discrimination syndicale", acquiesce un autre ouvrier, baskets et veste noire, à la sortie de l'usine. "Si les grévistes partent avec cette somme, nous aussi on fait grève", s'emporte un autre.
"Ils vont être obligés de l'étendre à tout le monde car sinon ça va chauffer", prévient Brahim Loujahdi, délégué CFTC de l'usine, "sinon, ça sera 800 ou mille personnes qui manifestent". "Si la direction fait ça, c'est pour accélérer les choses" et fermer l'usine "bien avant 2014", regrette-t-il.
Le directeur des ressources humaines du groupe Philippe Dorge conteste toute inégalité de traitement. Les grévistes qui partiront avant fin mai renoncent à leur préavis, à la période de volontariat et au budget formation (jusqu'à 10.500 euros) prévus dans le plan social, a-t-il souligné lors d'une conférence de presse. "Il n'y a pas d'indemnisation supplémentaire", insiste-t-il.
"Ni la CGT ni les grévistes n'ont rien obtenu de plus que les autres salariés", estime également Tanja Sussest, déléguée du SIA, le syndicat majoritaire à Aulnay. "Ce mouvement de grève marqué par des actes de violences, des intimidations et des blocages inacceptables n'aura donc servi à rien", ajoute-t-elle.
Selon Philippe Julien, secrétaire général de la CGT du site, une "porte" a cependant été ouverte. "D'autres salariés doivent pouvoir y adhérer (...) De fait, on l'a gagnée pour tout le monde, des salariés (non grévistes) s'inscrivent déjà sur nos listes pour un départ dans ces conditions là".
La CGT, qui estime avoir "tenu en échec PSA", prévoit une manifestation dans les ateliers dès 07H00 mardi avant la reprise du travail.
"Si la direction avait été plus intelligente, elle aurait cédé avant. Ça lui a coûté 30.000 véhicules non fabriqués", affirme M. Julien. "On n'a pas réussi à empêcher la fermeture, il aurait fallu un mouvement plus large, concède-t-il toutefois.