La banque d'affaires américaine Goldman Sachs a encore vu sa réputation écornée mercredi par la démission tonitruante d'un de ses responsables qui a dénoncé très publiquement une culture d'entreprise "toxique" sacrifiant l'intérêt des clients.
L'ex-star de Wall Street a vu son aura commencer à décliner lorsqu'elle était encore une machine à bénéfices en 2008 et 2009: elle a été attaquée sur le niveau des rémunérations de ses employés alors qu'elle avait reçu une aide gouvernementale pendant la crise.
En 2009, un journaliste du magazine Rolling Stones comparait la banque à "une pieuvre géante accrochée au visage de l'humanité", suçant "tout ce qui sent l'argent".
En 2010, l'autorité américaine des marchés, la SEC, l'a poursuivie en l'accusant d'avoir trompé des investisseurs en leur vendant des dérivés adossés à de l'immobilier à risque.
L'affaire a révélé le courrier électronique d'un trader français de la banque, Fabrice Tourre, qui ironisait sur "les pauvres petits emprunteurs peu solvables" qui ne "vont pas faire de vieux os".
Le litige a été réglé à l'amiable moyennant une amende record de 550 millions de dollars.
Mercredi, c'est un responsable des ventes de dérivés basé à Londres, Greg Smith, qui a claqué la porte en dénonçant dans une tribune publiée par le New York Times une culture d'entreprise qui met "l'intérêt du client au second plan", un "climat (devenu) toxique et destructeur".
Goldman a démenti. "L'opinion exprimée (...) n'illustre pas notre façon de gérer nos affaires", a assuré un porte-parole. "Nous ne pourrons réussir que si nos clients réussissent".
Signe du casse-tête que représente cette lettre ouverte assassine pour son image, la banque a aussi contacté les médias pour souligner que M. Smith n'était pas un haut dirigeant mais un simple cadre.
Un mémo au personnel du PDG, Lloyd Blankfein, et du numéro deux, Gary Cohn, largement distribué à la presse, a enfoncé le clou en soulignant qu'il y avait chez Goldman 12.000 "vice-présidents" de même niveau hiérarchique que Greg Smith sur plus de 30.000 employés.
Le banquier démissionnaire a cependant reçu le soutien de l'ancien président de la banque centrale américaine (Fed), Paul Volcker, qui a estimé que Goldman Sachs avait "changé de mentalité" depuis son entrée en Bourse en 1999.
De banque d'investissement discrète centrée sur les fusions et acquisitions et opérations de financement de ses clients, Goldman Sachs s'est en effet orientée de plus en plus vers les activités de marché, souvent pour son propre compte. Elles ont représenté ces dernières années la part du lion de ses bénéfices.
Une métamorphose opérée sous la houlette de Lloyd Blankfein et Gary Cohn, tous deux issus de la division de marché de la banque.
La réforme financière de 2010 a mis à mal ce modèle économique en limitant les opérations pour compte propre des banques --à l'initiative de M. Volcker, justement-- ainsi que leurs achats et ventes de produits dérivés, et les bénéfices de Goldman Sachs ont chuté en 2010 et 2011.
Les commentaires allaient bon train mercredi dans la presse financière et la blogosphère. Sur le site du magazine financier Forbes, un éditorialiste dénonçait les conflits d'intérêt dans la banque, un autre la "crise de la quarantaine" de Greg Smith et un troisième demandait la démission de Lloyd Blankfein.
Certains faisaient valoir que Greg Smith part alors que les bonus ont dégringolé en même temps que les bénéfices de la firme.
Sur le site de microblogs Twitter, le banquier était cible d'un torrent de sarcasmes l'accusant de cracher dans la soupe après avoir participé au système pendant douze ans.
Les investisseurs riaient moins: l'action de la banque a perdu 3,35% à 120,37 dollars.