La révolution numérique a non seulement bouleversé notre façon de "consommer" de la télévision mais aussi fait entrer de nouveaux acteurs sur le marché français et européen de la création audiovisuelle, un secteur qui tente de s'armer contre la "concurrence déloyale" des géants du net.
La consommation de programmes audiovisuels s'effectue de plus en plus sur les tablettes, les smartphones, les ordinateurs et en replay au détriment du téléviseur, rappelle une étude de Médiamétrie présentée cette semaine par Sahar Baghery, nouvelle directrice de l’audiovisuel, du cinéma et de la création numérique à la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD).
Cette évolution doit beaucoup à l'avènement de plateformes numériques comme Netflix (NASDAQ:NFLX), Amazon (NASDAQ:AMZN) ou Hulu qui ont eu un effet d'émulation sur les chaînes traditionnelles.
Cette nouvelle offre profite aux fictions "made in France", qui trouvent de plus en plus de partenaires à l'étranger et s'exportent mieux. Le financement de la fiction française par les chaînes, les producteurs et le CNC (Centre national du Cinéma et de l'image animée) a ainsi augmenté de 22% à 779 millions d'euros en 2016, selon le CNC.
Parmi les nouveaux entrants numériques français dans la production de séries, Altice (AS:ATCA) Studios va consacrer 40 millions aux séries et aux films et Orange Studios (OCS) 100 millions d'euros par an pour développer des séries sur cinq ans.
- Des moyens colossaux -
Les moyens des Européens restent néanmoins loin de ceux des géants du numérique américains comme Netflix qui compte investir 7 milliards de dollars en 2018.
Amazon, qui a doublé ses investissements en deux ans, annonce une série avec Robert de Niro et Julianne Moore, "à 160 millions de dollars pour deux saisons, soit la série la plus chère de l'histoire devant +Games of Thrones+", selon Sahar Baghery.
Apple (NASDAQ:AAPL) se lance à son tour sur le marché de la création avec un milliard de dollars pour commencer et le recrutement de deux dirigeants du studio Sony (T:6758) Pictures à l'origine de la série "Breaking Bad".
Google (NASDAQ:GOOGL) annonce "Youtube TV", plateforme de streaming pour jeunes adultes sur smartphones et une version payante et sans pub, baptisée "Youtube red", qui diffusera 40 programmes originaux en 2018.
Facebook (NASDAQ:FB) n'est pas en reste et teste "Watch on Facebook" aux Etats-Unis, plateforme avec programmes télévisuels, retransmissions d'événements sportifs en direct, documentaires et fictions.
"La création est au centre de toutes les préoccupations", relève Sahar Baghery. Mais cette mutation, prévient-elle, "rend également indispensables des mesures nouvelles d'encadrement et de régulation, la protection des auteurs."
- Taxe vidéo -
Traditionnellement, les diffuseurs français comme Canal+ sont liés par des accords avec la filière audiovisuelle qui leur fixent des obligations d'investissement dans les oeuvres. Un écosystème dont les géants américains ne font pas partie.
Pour Hervé Hadmar, scénariste et réalisateur ("Les Témoins") , ces nouveaux acteurs sont évidemment "les bienvenus, si cela permet aux auteurs de vendre leurs séries".
Mais "s'ils veulent produire en français, ils devront respecter la réglementation, les accords avec la SACD, les droits d'auteur", explique-t-il à l'AFP.
"L'enjeu est d'intégrer les nouveaux acteurs du numérique au financement de la création européenne", confirme à l'AFP Guillaume Prieur, directeur des affaires institutionnelles et européennes à la SACD. "Après des années d'inertie, l'Europe s'engage sur le chemin de la régulation pour des conditions de concurrence équitables entre les différents opérateurs", estime-t-il.
Après la taxe vidéo qui vient d'être étendue en France à toutes les plateformes numériques sans exception, mesure validée par la Commission européenne, l'instauration de l'obligation d'investissements, dans le cadre de la directive européenne SMA (Services médias audiovisuel) en cours d'élaboration, pourrait mettre fin à "la concurrence déloyale", estime la SACD. Elle donnerait à chaque État la possibilité de faire contribuer les plateformes numériques au financement de la création dont elles sont, pour l'heure, exonérées.