Ancien site chimique centenaire reconverti à grands frais dans les biotechnologies ces dernières années, la vaste plate-forme de Sanofi (PA:SASY) à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), reste un pari sur l'avenir pour le géant pharmaceutique français, dépendant notamment du décollage de ses activités en immuno-oncologie.
En face de cette plate-forme de 23 hectares gronde un chantier de démolition de vieux entrepôts, dans le cadre des travaux du Grand Paris Express. Des rames du RER C filent entre le chantier et l'usine, tandis qu'au loin rugit l'A86.
Derrière les sas du "Biolaunch", l'unité biotechnologique flambant neuve du site, règne à l'inverse une quiétude studieuse. Un bioréacteur ronronne, berçant 24 heures sur 24 des cellules animales dans sa cuve en acier pour qu'elles fabriquent des anticorps monoclonaux, une classe de protéines thérapeutiques.
"De quelques centaines de grammes à quelques kilos" seulement de ces protéines sont ainsi extraites au bout de 10 à 15 jours, un volume qui sera encore légèrement réduit après diverses étapes de purification, explique à l'AFP Thierry Ziegler, responsable du développement biopharmaceutique à Vitry.
Avec les étapes en amont et en aval de la production, "cinq à six semaines au total sont nécessaires pour obtenir un lot clinique ou commercial" d'un médicament biologique, complète Loïc Millot, responsable production du site.
- Production encore limitée -
Mais avant d'en arriver là, il faut compter sur 10 à 15 ans de développement pour un biomédicament. "Dans le biologique, la proximité entre les personnes qui définissent le procédé et ceux qui produisent est capitale (...). Le transfert d'un procédé à un produit de qualité à grande échelle est très compliqué", souligne Philippe Luscan, responsable des opérations industrielles du groupe.
Le Biolaunch a été conçu pour répondre à cette problématique, avec ses deux unités imbriquées, l'une dédiée au développement, l'autre à la bioproduction. Sanofi y a investi 250 millions d'euros, en plus des 100 millions d'euros de travaux d'aménagement et de dépollution du site depuis 2008.
L'unité de bioproduction, dont l'activité a débuté en 2012, est désormais quasi prête pour tourner à plein régime. Ses capacités devraient même encore augmenter de 30% l'an prochain avec l'arrivée d'un quatrième gros bioréacteur.
Cependant, pour l'heure, seulement 30% des capacités de bioproduction sont utilisées. "On fait des petites quantités car on est encore en phase de lancement", justifie Robert Feling, directeur de la plateforme de Vitry.
Sanofi a positionné ce "hub" biotechnologique dans le domaine thérapeutique de l'immuno-oncologie, qu'il juge prioritaire, mais où il est encore peu présent.
Le groupe a vainement tenté l'an dernier de s'emparer d'une biotech américaine spécialiste du secteur, Medivation, finalement rachetée par l'américain Pfizer (NYSE:PFE). Depuis, sa stratégie officielle dans le cancer est de miser sur ses propres forces.
Quatre anticancéreux biologiques de Sanofi sont ainsi actuellement développés à Vitry, mais un seul d'entre eux, isatuximab, est à un stade d'essai clinique avancé (phase III).
Le site fabrique aussi des anticorps monoclonaux pour Praluent, un anticholestérol de Sanofi déjà commercialisé. Toutefois, ses ventes sont loin d'être au niveau des attentes du groupe pour le moment.
- Vers une 'Bio-Academy' à la française? -
Une autre partie du site, employant au total 1.800 salariés, dont 1.300 en recherche-développement, développe et produit toujours des anticancéreux d'origine chimique. Le maintien sur place de ce savoir-faire permettra d'élaborer des médicaments combinant molécules chimiques et biologiques, selon M. Feling.
Sanofi dispose de trois autres hubs biotechnologiques, à Francfort (ouest de l'Allemagne) dans l'insuline, près de Boston (est des États-Unis) dans des maladies rares et près de Lyon dans les vaccins.
Pour assurer de futurs gros volumes, il dispose par ailleurs d'une autre usine biotechnologique, à Geel, en Belgique. Il vient aussi de lancer en Suisse le chantier d'une usine de bioproduction partagée avec le sous-traitant Lonza (SIX:LONN), devant être opérationnelle en 2020.
À cette date, Sanofi sera "dans le top 5 des capacités mondiales de bioproduction", assure M. Luscan.
"Quand on regarde l'avenir on a des besoins dans tous les métiers des biotechnologies (...). La formation à ces métiers étant fragmentée en France, on réfléchit à comment on pourrait organiser une filière structurée", ajoute M. Luscan, qui en a "discuté" avec le Premier ministre Édouard Philippe lors d'une visite du Biolaunch en juillet.