PARIS (Reuters) - Nommé à Matignon par Emmanuel Macron, Gabriel Attal s'est présenté mardi en Premier ministre "de l'audace" et s'est engagé à mettre "la cause de l'école" au coeur de son projet politique, lors de son discours de passation des pouvoirs avec Elisabeth Borne.
Evoquant le choix d'Emmanuel Macron, plus jeune président de l'histoire de la Ve République, d'en avoir fait de lui le plus jeune Premier ministre, à seulement 34 ans, celui qui n'est resté que cinq mois à la tête du ministère de l'Education nationale a dit n'y voir "qu'un seul symbole, celui de l'audace et du mouvement".
"J'emmène avec moi ici à Matignon la cause de l'école. Je réaffirme l'école comme étant la mère de nos batailles, celle qui doit être au coeur de nos priorités et à qui je donnerai tous les moyens d'actions nécessaires pour sa réussite", a-t-il dit sur le perron de l'Hôtel de Matignon. "Elle sera ma priorité absolue dans mon action à la tête du gouvernement."
Gabriel Attal, qui va s'employer dans les prochaines heures ou les prochains jours à former son gouvernement, a remercié Elisabeth Borne pour son "action" et son "courage", notamment celui d'avoir mené des réformes "indispensables" pour l'avenir de la France.
"J'ai conscience du contexte dans lequel je prends mes fonctions. Trop de Français doutent encore, doutent de notre pays, doutent d'eux même, doutent de notre avenir. Je pense en particulier aux classes moyennes", a souligné Gabriel Attal, à cinq mois des élections européennes qui pèseront fortement sur le début de son mandat.
Emmanuel Macron a pris la décision d'écarter Elisabeth Borne, qui a porté au cours de ses 20 mois à Matignon les très controversées réformes des retraites et de l'immigration, pour tenter de redonner du souffle à un deuxième quinquennat marqué par une majorité relative du camp présidentiel au Parlement.
Gabriel Attal est le plus jeune Premier ministre de la Ve République et bat le record jusqu'ici détenu par Laurent Fabius, nommé à Matignon en 1984 à l'âge de 37 ans.
"GARDER LE CONTRÔLE DE NOTRE DESTIN"
Les noms de Sébastien Lecornu, 37 ans, actuel ministre des Armées et de Julien Denormandie, 43 ans, fidèle de la première heure d'Emmanuel Macron, avaient circulé comme potentiels remplaçants d'Elisabeth Borne, deuxième femme à avoir occupé la tête du gouvernement en France.
Mais le chef de l'Etat a préféré opter pour une personnalité politique plus en vue et appréciée des Français selon des sondages, particulièrement depuis sa nomination à l'Education nationale l'été dernier.
"Cher Gabriel Attal, je sais pouvoir compter sur votre énergie et votre engagement pour mettre en oeuvre le projet de réarmement et de régénération que j'ai annoncé", a commenté Emmanuel Macron sur la plateforme X (anciennement Twitter (NYSE:TWTR)). "Dans la fidélité à l'esprit de 2017 : dépassement et audace. Au service de la Nation et des Français."
Gabriel Attal s'est inscrit dans cette ligne lors de son discours de passation des pouvoirs : "Avec le président de la République, j'aurai donc un objectif : garder le contrôle de notre destin et libérer le potentiel français", a-t-il dit.
"Garder le contrôle de notre destin, c'est lutter pour la maîtrise de notre modèle social, c'est agir pour la solidarité entre les Français, c'est assumer de faire de l'autorité et du respect de l'autre une valeur politique de premier ordre, et de la sécurité un objectif absolument prioritaire", a poursuivi le nouveau Premier ministre.
Bruno Retailleau, chef de file des sénateurs Les Républicains, dont l'appui est souvent indispensable pour l'agenda législatif du camp présidentiel, a dit sur la plateforme X qu'il jugerait Gabriel Attal sur les actes.
"Il sera un bon Premier ministre s'il parvient à mener une bonne politique pour la France : une politique de redressement des comptes publics, de retour de l'autorité et de reconstruction de nos services publics effondrés. Mais il faudrait pour cela une rupture profonde avec le macronisme. Gabriel Attal en a-t-il le profil et la volonté ? Réponse dans les mois à venir."
LES EXTRÊMES NE VOIENT AUCUN CHANGEMENT
Beaucoup plus critique, Jean-Luc Mélenchon, l'ancien chef de file de la France insoumise (LFI, extrême gauche), a estimé également sur X que le nouveau Premier ministre "retrouve son poste de porte-parole (du gouvernement, poste qu'il a occupé de juillet 2020 à mai 2022, NDLR). La fonction de Premier ministre disparaît. Le monarque présidentiel gouverne seul avec sa cour."
A l'autre extrémité de l'échiquier politique, le Rassemblement National a dénoncé une absence de "changement de cap" de la part du chef de l'Etat. "Que peuvent espérer les Français de ce 4e Premier ministre et de ce 5e gouvernement en sept ans ? Rien. Lassés de ce ballet puéril des ambitions et des egos, ils attendent un projet qui les remette au coeur des priorités publiques", a réagi Marine Le Pen sur X.
A la tête du gouvernement, Gabriel Attal restera confronté à l'équation difficile d'une volonté élyséenne de réformer sans soutien garanti au Palais-Bourbon où celui qui a été élu deux fois député devra démontrer ses talents de négociateur.
"Aux oppositions, je leur dis que nous avons en commun le destin de notre nation, que nous serons évidemment pas d'accord sur tout, que nous nous opposerons, mais aussi je leur fais la promesse de toujours les écouter, toujours les respecter", a dit mardi Gabriel Attal, ajoutant qu'il réunirait dès cette semaine toutes les "forces vives" du pays pour "enclencher ensemble cette nouvelle étape".
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(Rédigé par Elizabeth Pineau avec Kate Entringer, Tangi Salaün et Blandine Hénault)