par Thyagaraju Adinarayan, Josephine Mason et Danilo Masoni
LONDRES (Reuters) - Les publications de résultats du deuxième trimestre pourraient faire l'effet d'une douche froide pour les Bourses européennes qui ont connu leur meilleur premier semestre depuis des décennies même si les flux n'ont pas été au rendez-vous.
L'indice Stoxx 600 des valeurs européennes a progressé de 15% depuis le début de l'année, soutenu par le revirement accommodant des grandes banques centrales et l'espoir d'une trêve dans le conflit commercial sino-américain malgré les craintes d'un ralentissement de la croissance mondiale et l'absence de flux d'investissement.
Les fonds d'investissements collectifs dédiés aux actions européennes ont subi des rachats nets de manière quasi continue depuis plus d'un an, selon les données compilées par EPFR Global, société de recherche spécialisée dans le suivi des flux de souscription des grandes sociétés internationales de gestion.
Les investisseurs vont pouvoir prendre le pouls de la dynamique des résultats des entreprises européennes avec le lancement la semaine prochaine de la saison des publications par SAP et ASML, dans le secteur des technologiques, et Novartis dans celui de la pharmacie.
Au vu de valorisations tendues et des signes d'essoufflement du rallye avec un Stoxx 600 exposé à une première semaine en territoire négatif en six semaines, une progression des résultats au deuxième trimestre sera déterminante pour la poursuite du rebond des Bourses amorcé en début d'année, estiment anlaystes, stratèges et gérants.
Avec des valeurs de croissance ou de qualité "valorisées pour la perfection", les investisseurs ne feront sans doute pas preuve d'indulgence à la moindre déception, prévient Emmanuel Cau, stratège chez Barclays Capital.
"Ce que je crains c'est que nous ayons plus d'entreprises qui disent: 'eh bien on s'en est sorti au premier semestre mais nous n'avons aucune idée de ce qui va se passer au second'", a dit, Neil Dwane, stratégiste monde chez Allianz Global Investors.
"Et alors le marché va dire: Mince! Pourquoi monter autant si je ne peux pas voir moutonner des résultats à 11% de croissance dans les 12 prochains mois."
Les entreprises du Stoxx 600 devraient en moyenne faire état d'une hausse de 0,8% de leurs résultats au deuxième trimestre, selon le consensus le plus récent publié par I/B/E/S Refinitiv.
C'est certes mieux que le recul de 2% accusé au premier trimestre mais cela reste nettement en dessous de la hausse de 9,7% enregistrée sur la même période un an auparavant et fait pâle figure par rapport à la hausse de 3,6% encore attendue pour le trimestre il y a seulement deux mois.
Au cours de la seule semaine dernière, les analystes ont réduit d'un point de pourcentage leur estimation de progression des bénéfices au fil des actualisations de leur situation par les entreprises.
L'avertissement sur résultats lancé par BASF cette semaine a été un catalyseur des inquiétudes sur la santé financière des entreprises sur fonds de craintes de ralentissement de la croissance mondiale du fait des tensions commerciales persistantes entre les Etats-Unis et la Chine notamment.
Les entreprises des secteurs défensifs et de croissance, très prisées des investisseurs depuis le début de la longue phase de taux très bas, semblent particulièrement exposées.
Les valorisations des valeurs cycliques comme celles de l'automobile ou les bancaires prennent en revanche déjà en compte beaucoup de mauvaises nouvelles.
MIEUX QUE LES USA
Faible consolation, la hausse bien que faible des résultats des entreprises européennes contrastera avec la contraction attendue pour leurs homologues américaines.
La contreperformance de ces dernières sera toutefois en grande partie imputable à un effet de base lié aux réductions d'impôts massives mises en oeuvre après l'arrivée à la Maison blanche de Donald Trump.
La conjoncture économique en Europe recommence aussi à surprendre positivement contrairement à celle des Etats-Unis selon les indices de surprises économiques de Citigroup qui synthétisent les écarts entre les indicateurs conjoncturels publiés et les prévisions des économistes.
Mais pour le reste, les nouvelles ne sont pas franchement bonnes. A l'approche des publications de résultats, les entreprises qui ont fait des annonces négatives sur le deuxième trimestre ont été 3,5 fois plus nombreuses que celles qui se sont montrées optimistes, le ratio le plus élevé depuis 2016, selon Emmanuel Cau.
"Les résultats du deuxième trimestre ne vont pas être très impressionnants et, en dépit d'attentes plus faibles, les actions ne seront pas à l'abri de déceptions", a-t-il dit.
En plus de BASF, des compagnies aériennes comme Lufthansa ou Ryanair, le constructeur automobile Daimler ou le fabricant de puces Siltronic ont aussi averti sur leurs résultats.
Après une brève pause en mai, les analystes ont renoué avec les révisions en baisse de leurs prévisions de résultats malgré la poursuite de la hausse des marchés.
Ils ont aussi tempéré les espoirs de croissance des profits sur l'ensemble de l'année qu'ils attendent désormais à 4,1%, un plus bas depuis 2016 et moitié moins qu'en début d'année.
Au-delà des chiffres d'affaires et des profits, les investisseurs vont aussi surveiller de près les conséquences de la montée du protectionnisme sur les dépenses d'investissement des entreprises.
"Nous constatons qu'il y a une contagion tout à fait claire de l'activité économique chinoise sur les dépenses d'investissement (dans les pays développés)", a dit Elga Bartsch, responsable de la recherche macroéconomique chez Blackrock.
Même avec des attentes revues à la baisse pour le deuxième trimestre, il ne faut pas exclure de mauvaises surprises au second semestre, a prévenu Vincent Manuel, responsable des investissements de CA Indosuez.
"Il est probable que l'on verra plus d'avertissements (sur résultats) dans la dernière partie de l'année qu'au cours des publications du deuxième trimestre."
(Avec Marc Jones, Marc Joanny pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)