La City de Londres s'inquiétait lundi d'une victoire du socialiste François Hollande à l'élection présidentielle française qui pourrait menacer la relation Paris-Berlin en pleine crise de la zone euro, sans anticiper pour autant un scénario catastrophe sur les marchés.
L'arrivée en tête du premier tour de M. Hollande a été fraîchement accueillie dans la capitale européenne de la finance. Le leader socialiste "n'est pas nécessairement le chéri des marchés", qui n'ont pas oublié sa promesse de "dominer la finance" s'il était élu, résume d'emblée Anita Paluch du cabinet de courtage Gekko.
Elle fait partie des rares analystes interrogés par l'AFP à assurer que "rien n'est joué" avant le second tour du 6 mai, et à donner encore une chance à Nicolas Sarkozy, dont un des attraits "est d'être déjà connu, ce qui est en soi rassurant pour les marchés".
La plupart de ses collègues estiment en revanche que l'affaire est mal engagée pour le sortant. "La deuxième place de Sarkozy a déjà mis la pression sur les marchés", note David Jones, du cabinet d'experts IG Market.
"Il n'y a pas de sentiment de panique, juste de l'inquiétude", précise-t-il toutefois.
En milieu de journée, la Bourse de Londres était en baisse de près de 2%, affectée par le vote en France, mais aussi par la crise politique aux Pays-Bas et un indice manufacturier décevant publié en Chine.
Même en cas de victoire finale du socialiste, "nous n'anticipons pas de panique sur les marchés, qui ont tout de même eu trois mois pour s'habituer à l'idée d'une victoire de Hollande", explique Fabrice Montagné, économiste à la banque Barclays.
"Les Anglo-Saxons ont traditionnellement peur du terme "socialiste" et Hollande a alimenté les craintes avec une rhétorique sur la finance qui a rendu les marchés nerveux. Mais son programme reste essentiellement pragmatique", ajoute-t-il.
Vu de la City, c'est surtout une remise en cause de l'axe franco-allemand qui inquiète, après la volonté exprimée par M. Hollande de "renégocier" le pacte budgétaire européen particulièrement cher à l'Allemagne.
Malgré des tiraillements, Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel "ont travaillé main dans la main durant de la crise de l'euro et les marchés craignent que cette relation ne se poursuive pas avec Hollande", rappelle Anita Paluch.
"La préoccupation principale, c'est une rupture du partenariat Merkel-Sarkozy, avec pour conséquence une volonté moindre de mettre en oeuvre des mesures d'austérité en Europe", renchérit David Jones.
Pour Jane Foley, de la Rabobank, "les investisseurs ont peur que la réforme budgétaire soit diluée, ce qui augmenterait les risques de contagion de la crise de la dette en Europe".
Fabrice Montagné, de Barclays, ne pense pas qu'une renégociation du traité européen soit possible. En revanche, selon lui, "la porte est ouverte à une initiative sur la croissance".
La montée de l'extrême-droite lors du scrutin de dimanche, largement soulignée dans la presse britannique, semble assez peu soucier les analystes financiers car ils estiment improbable sa présence dans un gouvernement.
A l'inverse, "la nervosité des marchés pourrait s'accroître" si M. Hollande faisait alliance avec des mouvements d'extrême-gauche, souligne M. Montagné.
Rappelant comme tous ses confrères que les investisseurs "détestent l'incertitude", il assure que la France restera sous surveillance particulière de la City jusqu'aux élections législatives de juin et au vote des premières réformes par le nouveau pouvoir.